Sélectionner et punir. Pour une criminologie marxiste. Entretien avec Valeria Vegh Weis

La criminologie, associée en France à la sociologie des déviances, a développé un versant critique substantiel depuis plusieurs décennies, en particulier dans le monde anglophone. Ces approches théoriques du droit et du système judiciaire ont été fécondées par le marxisme. Elles ont aussi de nombreux points de convergence avec les luttes noires radicales et l’anticarcéralisme. Dans cet entretien avec Grégory Salle, Valeria Vegh Weis propose un état des lieux général des recherches en criminologie marxistes ainsi que ses liens au reste du champ. Elle souligne l’apport fondamental du concept de sélectivité judiciaire, qui articule les rapports de classe et de race aux traitements différenciés des illégalismes. Appuyée sur une solide marxologie, Weis pointe l’actualité d’une approche vigoureuse de la justice et de la prison, pour mieux lutter contre ces institutions décisives du capitalisme tardif.

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Votre livre Marxism and Criminology se propose de reprendre l’héritage marxiste de l’analyse du crime dans une perspective à la fois historique et actuelle, en mettant en relief la notion de « sélectivité pénale » [criminal selectivity]. Pour commencer, pouvez-vous revenir sur l’origine même de ce livre, dont l’angle de vue est très ample ?

Ma conviction était que pour comprendre comment, à travers l’histoire du capitalisme, l’injustice a envahi et perverti tous les niveaux du système pénal, il était nécessaire d’aller au-delà des analyses juridiques. L’histoire de cette injustice, de cet arbitraire – ce que je nomme dans le livre la « sélectivité pénale » – est inextricablement liée aux sphères socio-économiques dans lesquelles celle-ci s’insère. J’ai alors proposé de remettre Marx et Engels sur la table, afin de prendre comme sources pour la réflexion le concept de matérialisme historique et plus généralement leurs contributions théoriques sur le crime et le châtiment. Cette approche permet selon moi de replacer le crime et le châtiment au sein du développement du système de production capitaliste, et d’analyser en profondeur l’interaction entre la sphère juridique et ses implications économiques, politiques, sociales, culturelles, religieuses, ethniques et de genre. Cette perspective matérialiste est celle qui permet de démontrer que, loin d’être un phénomène circonstanciel ou accidentel, le fonctionnement sélectif du système pénal existe dès les origines du capitalisme, parce qu’il a été un outil nécessaire à la fondation et à la reproduction de ce mode de production.

Dès lors qu’on analyse l’histoire moderne du crime et du châtiment dans une perspective matérialiste, il faut se rendre à l’évidence : le crime le plus scandaleux est, paradoxalement, l’inégalité considérable du fonctionnement de la justice pénale elle-même. Le système actuel, créé au nom de la « justice », a toujours fonctionné de façon biaisée du point de vue de la classe sociale, de la race, de l’ethnicité, de la religion, du genre et de l’âge. Après des siècles d’une telle injustice, j’ai pris conscience qu’il était temps de repenser radicalement le système pour le changer.

 

Ce caractère sélectif du système pénal, sa « sélectivité », les tris qu’il opère sans cesse : était-ce d’emblée le motif qui animait votre travail ou s’est-il plutôt imposé comme tel au fur et à mesure de la recherche ?

Il a en effet émergé au cours de la recherche pour s’imposer comme l’idée centrale. Au départ, mon idée était de repérer l’ensemble des réflexions de Marx, d’Engels et du marxisme contemporain sur le crime et sa répression, afin de réunir l’ensemble des connaissances sur le sujet d’un point de vue marxiste. Mais, dès que j’ai commencé à travailler, j’ai réalisé que l’accumulation primitive décrite par Marx décrivait aussi l’émergence d’une autre modalité primitive, originale, de sélectivité pénale. Marx rendait clair le fait qu’avec la naissance du capitalisme, un système judiciaire et notamment pénal systématiquement injuste était né. Plus encore, il montrait que l’accumulation primitive n’aurait pas été possible sans un usage sélectif de la répression pénale et de la gestion du crime.

 

Pourtant, la criminologie en tant que telle, c’est-à-dire en tant que discipline à prétention savante plus ou moins constituée, n’a pas franchement suivi cette voie…

On peut diviser l’histoire de la pensée criminologique (et de son manque d’attention à l’égard du caractère sélectif du processus pénal) en deux périodes bien distinctes : avant et après le milieu du XXe siècle. Avant le milieu du XXe siècle, les écoles de pensée se concentraient seulement sur le crime lui-même (c’est l’école classique), ou sur le criminel lui-même (c’est l’école positiviste), ou sur l’environnement social et géographique du criminel (c’est l’école sociologique). Les explications du phénomène criminel invoquaient respectivement des problèmes comportementaux individuels, des conditionnements biologiques, des effets de contexte ou de milieu. Toutes faisaient l’impasse sur le contexte social qui englobe la question du crime. Or, sous différentes variantes et malgré des changements, ces conceptions demeurent prégnantes.

Des perspectives critiques ont émergé depuis le milieu du siècle dernier. Edwin Sutherland (1883-1950) a fait remarquer l’existence d’un « chiffre noir du crime » dans les statistiques : tous les comportements criminels n’étaient pas criminalisés. Thorsten Sellin (1896-1994), un partisan des théories du conflit, avait anticipé le concept de sélectivité pénale à travers la distinction entre la criminalité « réelle » et la criminalité « apparente », dans le sillage de Sutherland. En dépit de l’importance de leurs contributions, ils ont concentré leurs efforts sur l’idée d’un contexte spécifique. De ce fait, ils n’ont pas creusé la question de la sélectivité dans une perspective historique de longue durée et ne l’ont pas non plus rattachée au contexte socio-économique.

Willem Bonger (1876-1940), Evgeny Pasukanis (1891-1937), ainsi que Georg Rusche (1900-1950) et Otto Kirchheimer (1905-1965) ont proposé les premières approches marxistes du crime et de sa répression. Dès 1905, Bonger met en relief le lien entre crime et capitalisme. Il souligne le rôle de la privation économique et de la rupture des liens entre les hommes comme déterminants du crime. Il identifie les comportements qui sont comptés statistiquement comme des « infractions ». Avant même Sutherland dans les années 1940, il repère l’existence de crimes commis par des banquiers, des courtiers, des négociants dans le cours de la vie des affaires ; or ces actions n’apparaissaient pas dans les statistiques officielles du crime. Quant à Pasukanis, s’il n’a pas réussi à identifier le phénomène de la sélectivité, il a utilisé le chapitre 2 du Capital pour montrer que le fétichisme imprègne l’ensemble du droit. Le droit offre une perception faussée des rapports sociaux, ainsi que de rapports juridiques présentés comme équitables et justes. Cette distorsion renforce les rapports capitalistes sous couvert d’un « intérêt général » fictif. Pasukanis introduit également la notion d’ « ordre social », par opposition à la « société », afin de caractériser la nature conflictuelle de la réalité sociale. Georg Rusche, en lien avec Otto Kirchheimer, s’est lui engagé dans une analyse historique des changements du système punitif en fonction de la situation du marché du travail. C’est une contribution très importante ; cependant, des auteurs ultérieurs comme David Greenberg, Massimo Pavarini et Dario Melossi ou David Garland ont relevé que la catégorie de marché du travail est très restrictive et n’inclut pas les conditions socio-économiques plus larges qui président au système punitif.

Dans les années 1960 (et même avant si l’on pense à Frank Tannenbaum (1893-1969) dans les années 1930 et Edwin Lemert (1912-1996) dans les années 1950), des sociologues états-uniens ont élaboré l’approche en termes d’étiquetage, qui se focalise sur les institutions pénales et l’iniquité de leurs pratiques. Howard Becker (1928-…) en particulier a proposé le concept de « déviant » (par rapport aux normes sociales dominantes) par opposition à la notion de « criminel », pour exprimer le fait que les institutions pénales procèdent à un étiquetage. Becker a aussi forgé le concept d’ « entrepreneurs moraux » pour désigner les individus ou les groupes qui, directement ou indirectement, contribuent à définir les normes de ce qui est considéré ou non comme « criminel ». Ce concept peut être combiné à la notion de « panique morale » formulée par Stanley Cohen (1942-2013) dans les années 1970, qui porte sur les mécanismes par lesquels se créé un environnement social favorable à l’édiction et à l’application de lois pénales.

Dans ces années 1970, la criminologie critique fit un pas supplémentaire par rapport à la théorie de l’étiquetage, car celle-ci n’élargissait pas la perspective du contrôle pénal à celle du contrôle social. Comme l’ont montré Paul Walton, Ian Taylor and Jock Young en 1973, des questions clés demeuraient sans réponse : qui précisément définit ce qui est criminel et ce qui ne l’est pas ? Quels sont les intérêts en jeu ? Quels rapports avec le système de production capitaliste ? Cette théorie n’analysait pas non le fait même derrière l’étiquetage, par exemple le fait que quelqu’un prenne quelque chose à autrui sans son accord derrière l’étiquette de « vol ». La criminologie critique a donc repris les questions soulevées par la théorie de l’étiquetage d’un point de vue plus historique et macrosociologique, en creusant le lien entre la fonction des institutions pénales et les caractéristiques du système de production capitaliste. D’un point de vue matérialiste, les criminologues critiques ont réussi à étudier le rôle inégalitaire des institutions pénales sans omettre d’étudier le contrôle social. Au lieu de se focaliser étroitement sur le processus de criminalisation, ils se sont demandés pourquoi certains comportements sont qualifiés de criminels tandis que d’autres, dont on peut démontrer qu’ils provoquent des dommages, ne le sont pas. Dans les années 1980, l’école du « réalisme de gauche » a essayé de répondre à une crise de l’approche marxiste. Elle prend acte du fait que les infractions commises par les populations les plus démunies affectent avant tout celles qui partagent leur statut social. De ce fait, la stratégie était de concentrer l’effort sur la promotion de politiques progressistes, de gauche, pour rivaliser avec les politiques sécuritaires (« la loi et l’ordre »). Enfin, au début du XXIe siècle, la criminologie « culturelle » a ouvert la perspective aux transformations culturelles qui sous-tendent les changements de politique pénale.

Ce bref résumé de la pensée criminologique montre que même si certaines théories se sont efforcées de mettre au jour l’inégalité inhérente au système pénal, elles n’ont pas approfondi le phénomène spécifique de l’injustice systématique de son fonctionnement ordinaire. Ce phénomène a seulement été considéré à titre secondaire (par la criminologie critique et le réalisme progressiste) et dans une perspective abstraite (par l’approche en termes d’étiquetage). En outre, ces théories n’ont pas identifié les mécanismes spécifiques à travers lesquels la sélectivité pénale s’est manifestée, et n’ont pas retracé non plus son développement historique antérieur. Somme toute, je trouvais que même si le XXe siècle a apporté des analyses inestimables du système pénal, le phénomène de la sélectivité pénale n’avait pas encore été pleinement exploré en étant contextualisé de manière à la fois historique et socio-économique. Le concept de « sélectivité pénale » vise précisément à éclairer l’injustice inhérente du système pénal qui prospère avec le capitalisme.

 

Vous avez évoqué la criminologie critique en général et la criminologie marxiste et/ou « radicale » en particulier. Il existe quelques exposés de la théorie marxiste du crime, comme le livre de Mark Cowling intitulé Marxism and Criminological Theory. Que souhaitiez-vous apporter par rapport à ce type de contributions ?

La contribution de Mark Cowling est très précieuse (je participe d’ailleurs actuellement à des événements communs avec lui), en particulier concernant le débat sur le sens même de ce que l’on entend par crime ainsi que le statut de la criminologie critique. Il soulève aussi des questions très importantes à propos des relations entre marxisme et droit en général. Cependant, mon livre s’est effectivement centré sur la sélectivité pénale et l’injustice continue qui a corrompu le fonctionnement de la justice pénale depuis les débuts du capitalisme. Plus encore, mon objectif était de mettre en évidence le fait que le capitalisme a eu besoin de ce système pénal injuste pour assurer le contrôle social, tout en montrant que le fonctionnement de cette sélectivité pénale n’est pas resté le même, mais a changé en fonction des conditions socio-économiques. C’est pourquoi j’ai distingué trois modalités de sélectivité pénale : « originale » du XVe au XVIIIe siècle, « disciplinaire » du XVIIIe au XXe siècle et « boulimique » dès lors. Les travaux essentiels existants de théorie marxiste, y compris de théorie juridique marxiste, ne permettaient pas d’opérer cette mise au jour.

 

Selon l’idée communément admise, Marx et Engels ont bel et bien traité directement du droit (à commencer par les lois sur le « vol de bois »), mais pas tellement du crime et de la déviance. À ce sujet il faut se fier à de courts extraits, voire à des digressions, notamment le passage sur la « productivité du crime » dans les manuscrits dits Théories de la plus-value. Cette représentation vous semble-t-elle valable ?

Dans l’introduction du livre, je prends acte du fait que, pour développer une analyse cohérente de la sélectivité pénale à partir de la perspective de Marx et Engels, il est impératif de prendre en compte d’abord les objections faites à cette approche. Je dirais qu’il est possible, à des fins analytiques, de répartir ces objections en trois grandes catégories. Premièrement, Marx et Engels n’auraient pas étudié le crime de façon approfondie, en conséquence de quoi toute conclusion s’appuyant sur leurs travaux serait insuffisante. Deuxièmement, le crime et son contrôle seraient des phénomènes superstructurels déterminés par l’infrastructure économique et, de ce fait, Marx et Engels ne leur auraient pas consacré d’analyse spécifique. Troisièmement, l’approche marxiste aurait mené à l’expérience du « socialisme réel » et, par conséquent, cette approche pourrait aboutir à de nouveaux abus du même genre.

La première de ces critiques est effectivement la plus durable. Toutefois, cette idée d’un manque de développement systématique du thème criminel dans les travaux de Marx et Engels est de nature exégétique ; or une théorie juridique marxiste ne se limite en aucun cas à une pure compilation des réflexions de Marx sur le sujet. Il s’agit plutôt d’un discours critique concernant le rôle du droit en société à partir des principes posés par la pensée marxiste et en suivant sa méthode, le matérialisme historique. C’est-à-dire, comme le dit Umberto Cerroni (1926-2007), la même approche que celle adoptée par Marx à propos de l’économie politique dans Le Capital. En suivant cette logique, mon livre avance qu’il est possible et même souhaitable de passer au crible marxiste la question du crime et de son traitement, et ce d’une double façon : grâce aux passages dans lesquels Marx et Engels abordent directement ce thème et aux études d’autres auteurs qui contribuent à une analyse holistique du phénomène criminel, et en appliquant la grille d’analyse du matérialisme historique au domaine criminel.

Les outils conceptuels et les hypothèses théoriques des travaux de Marx sont d’une grande importance pour l’analyse du phénomène criminel si on les utilise sans dogmatisme. Comme le dit Alessandro Baratta, cela signifie considérer le marxisme comme une construction ouverte, qui, comme n’importe quelle autre, peut et doit être retravaillée à travers la confrontation à d’autres approches et arguments. Ce faisant, on peut trouver des éléments substantiels dans les écrits des pères fondateurs du marxisme pour mettre en lumière la fonction du droit en général et celle du domaine pénal en particulier, en rapport avec les rapports sociaux actuels et la structure économique qui les sous-tend.

 

Vous avez mentionné le nom d’Umberto Cerroni, un auteur très peu connu en France. Pourriez-vous nous en dire plus sur sa contribution ? D’ailleurs, plus largement, existe-t-il quelque chose comme une école italienne d’analyse juridique marxiste ?

Les travaux de Cerroni sont très précieux, bien que je m’y réfère assez peu, dans la mesure où il se focalise sur le droit en général et non sur le droit pénal en particulier. Sa contribution à l’étude du crime est double. D’une part, il souligne que faire référence à Marx et Engels à propos du droit ne signifie pas qu’il faille traquer tout ce qui se rapporte au droit sous leur plume pour le réunir de façon éclectique, mais qu’il faut replacer ces éléments dans le cadre du matérialisme historique. Autrement dit, pour comprendre que le droit ne fonctionne pas en vase clos, hors de tout contexte, il faut, comme pour n’importe quel autre phénomène social, le replacer dans ses conditions socio-économiques. D’autre part, il établit clairement que le droit bourgeois est un droit de classe même quand le droit ne confère pas d’avantage à la bourgeoisie, mais du simple fait qu’il traite formellement équitablement des individus placés dans des conditions réellement inégales. Je suis parti de là pour expliquer que le droit ne peut être neutre du point de vue de la classe sociale ou de la couleur de peau s’il y a inégalité des conditions matérielles d’existence. L’iniquité légale n’est cependant pas une surprise. Si le droit est inique, c’est parce qu’il est lié à un système économique fondé sur l’exploitation de classe. Comme l’explique Marx, les droits ne pourront jamais être placés au-dessus du développement économique et de la phase de civilisation qu’il conditionne. C’est pourquoi il est clair que le droit agit inéquitablement même lorsqu’il prétend que nous sommes tous égaux. Pour dire les choses de façon imagée : certains d’entre nous sont dans un fauteuil roulant, d’autres sont juste fatigués, d’autres encore (peu nombreux) sont marathoniens, et le droit dit : je vais vous traiter équitablement, vous démarrerez tous la course du même point. À cela s’ajoute le fait que pendant la course, les sanctions sont plus dures pour les erreurs que les coureurs en fauteuil roulant sont davantage susceptibles de commettre. En somme, l’application de la loi prête une attention disproportionnée aux irrégularités commises par celles et ceux qui sont en fauteuil roulant et leur applique en outre des sanctions plus dures.

Pour ce qui est d’une tradition italienne spécifique dans l’analyse juridique marxiste, on peut se référer à ce qu’elle nomme « usage alternatif du droit ». Il s’agit d’une critique du droit bourgeois soulevée par des juristes qui proposent une herméneutique sociologique en vue de construire une jurisprudence susceptible de donner une signification différente au droit écrit, afin de renforcer les droits des catégories de population les plus vulnérables. Pietro Barcellona et Giuseppe Coutturri figurent parmi les principales incarnations de cette approche qui s’est confrontée au positivisme formel du XIXe siècle qui forçait juges et avocats à appliquer machinalement le droit tel que conçu dans les textes.

 

Diriez-vous que nous sommes toujours dans une phase de déclin de la criminologie marxiste, au moins par comparaison avec l’intensité des débats et controverses au sein de ce courant dans les années 1970 ? Ou peut-on au contraire discerner actuellement un regain de cette approche, par exemple à travers la criminologie « verte » (green criminology, relative aux atteintes à l’environnement) ou certains courants de la criminologie « culturelle » (cultural criminology) ?

Je pense qu’il y a un besoin permanent d’explications à la fois holistiques et approfondies du crime. Et ce d’autant que la criminalité en col blanc et la criminalité environnementale sont d’une complexité croissante et ont une dimension de plus en plus globale. D’ailleurs, les infractions ordinaires n’ont pas été réduites en dépit de politiques prétendument « agressives » à l’encontre du crime, politiques qui n’ont fait que susciter une incarcération et un contrôle pénal de masse. De ce fait, une théorie marxiste du crime et du châtiment est susceptible de connaître un nouvel essor. Et effectivement, la green criminology et particulièrement les travaux de Rob White – avec lequel nous sommes justement en train de rédiger un chapitre de livre sur le sujet – est une approche précieuse pour analyser d’un point de vue « radical » des crimes qui affectent l’humanité dans son ensemble, et les plus démunis en particulier. Pour ce qui est de la criminologie culturelle, Jock Young, l’un des pionniers de la criminologie critique, fut aussi l’un des premiers à s’engager dans une approche culturelle dans ses travaux sur la boulimie. Comme je l’ai suggéré tout à l’heure, je reprends d’ailleurs ce terme dans le dernier chapitre de mon livre pour comprendre le type de sélectivité punitive qui domine le siècle en cours : une sélectivité punitive boulimique.

 

Dans les années 1960-1970, on l’a évoqué, le débat a été riche au sein de la criminologie marxiste et plus largement radicale. Quelle est la valeur de cet héritage aujourd’hui ?

Comme je le disais précédemment, dans les années 1970 la criminologie critique a fait un pas de plus que l’approche par l’étiquetage. Taylor, Walton et Young sont les auteurs du livre le plus important dans cette perspective, The New Criminology. For a Social Theory of Deviance (1973), et sa suite, Critical Criminology (1975). Ils y ont passé en revue la pensée criminologique antérieure, d’un point de vue marxiste, d’une façon remarquable. Ce faisant, ils ont permis une réflexion critique sur le traitement (ou le non traitement) de la sélectivité pénale dans la pensée criminologique d’avant les années 1970. Ils ont souligné combien, malgré des siècles de réflexions sur le crime, il manquait une analyse effective de l’iniquité du système pénal en lien avec la structure sociale. Le marxisme les a aidés à rendre visible et à dénoncer le caractère de classe du droit pénal tout en faisant du comportement criminel l’expression d’une société de classes. Parmi les criminologues critiques, Baratta propose de développer une position criminologique qui se place dans la perspective de la classe ouvrière, du salariat. Dans leur livre The Prison and the Factory, Melossi et Pavarini ont cherché à lier l’origine de la prison pénale au développement des usines. Tout en évitant une conception purement économique, ils soulignent combien le déploiement du système punitif a dépendu des exigences du système productif. Bales étudie les rapports entre les affaires légales et illégales dans le système capitaliste. Richard Quinney prend position en faveur du développement de la théorie marxiste afin de comprendre de façon critique le système légal moderne. William Chambliss soulève la possibilité d’une théorie politico-économique du crime. Il envisage le caractère de classe du droit criminel et caractérise les comportements criminels comme des expressions de la société de classe. Chambliss porte aussi son attention sur l’application du contrôle pénal dans les ghettos états-uniens, par contraste avec le manque de contrôle des crimes et délits commis par des individus hauts placés. Steven Spitzer, lui, entend développer une théorie criminologique marxiste distinguant les catégories de population sur lesquelles repose le traitement du crime. Roberto Bergalli, un défenseur de la criminologie critique latino-américaine, étudie les rapports entre contrôle social et système pénal. Il appelle à une réflexion sur la complexité d’actes dommageables socialement qui pourtant ne sont pas criminalisés.

Bref, la criminologie critique propose une perspective théorique qui inscrit les institutions pénales et leurs rapports dans le cadre du système économique. Cependant, plusieurs auteurs ont formulé des objections sérieuses à l’encontre de cette approche : la difficulté à associer marxisme et criminologie ; l’absence de propositions concrètes pour lutter contre la criminalité ; l’idéalisation de la figure du délinquant ; le manque de soubassement empirique… Melossi explique que pour surmonter ces critiques, la criminologie critique doit miser sur la combinaison d’une approche interactionniste microsociologique et de la perspective macrosociologique marxiste. Dans son souhait d’avancer sur le second aspect, elle a négligé le premier. De plus, elle ne prête pas suffisamment attention à la délinquance en col blanc et ne creuse pas suffisamment le développement historique et les mécanismes spécifiques de la sélection punitive. Ces critiques n’empêchent pas l’extrême pertinence de cette école dans l’étude du crime et de son traitement d’un point de vue holistique et matérialiste.

 

Qu’en est-il des contributions de penseurs ou de courants hétérodoxes ou ayant entretenu un rapport critique avec le marxisme, tels Stuart Hall, Edward Thompson ou Michel Foucault, dans des genres différents ?

Leurs contributions sont à mon sens d’une très grande importance. Mon livre s’inspire ainsi des travaux de Stuart Hall, Edward Thompson et Eric Hobsbawm en ce qui concerne la part de la population qui fut surcriminalisée au cours de l’accumulation primitive. Ces auteurs analysent comment les pauvres des villes qui ne pouvaient plus entrer dans des corporations en phase de dissolution (sous l’effet d’un accroissement du pouvoir de la bourgeoisie nouvelle) furent forcés de survivre dans un système qui leur était étranger, et surcriminalisés quand ils n’y parvenaient pas. En outre, Thompson relate le fait que la classe ouvrière – et avec elle le lumpenprolétariat – s’est formé entre 1790 et 1830, quand les organisations de travailleurs et les organisations politiques se sont mêlées, et que par conséquent, au cours de l’accumulation primitive, on ne peut que repérer des étapes préliminaires de leur développement. Il met aussi la lumière sur le Black Act en Angleterre (1723) criminalisant la chasse aux daims ou aux lièvres et aux lapins, ou la pêche sans permission sur des terres désormais privées, avec des punitions disproportionnées destinées à discipliner les pauvres et à imposer la propriété privée comme valeur cardinale. Dans un autre travail, Thompson montre également que des émeutes de la faim – réponses directes aux attaques contre l’économie morale des pauvres, notamment la hausse des prix, du blé notamment – étaient traditionnelles jusqu’à la consolidation des rapports de production capitalistes ; avec l’émergence du capitalisme, la peur bourgeoise de ces révoltes, lesquelles mettaient à l’épreuve la discipline des masses rurales, poussa à un changement de leur conception et de leur traitement. Thompson montre comme les définitions strictes de la propriété imposées par le nouvel ordre juridique ont transformé ces émeutes en crimes.

Mon livre est aussi nourri par le travail de Foucault, qui faisait de ce qu’il appelait la « gestion différentielle des illégalismes » un élément central du droit criminel moderne. Même si certains travaux universitaires le placent en opposition à la perspective marxiste, je pense qu’il est possible de les rapprocher. C’est particulièrement le cas dans Surveiller et punir, livre dans lequel il se concentre sur l’économie punitive. Son travail sur les workhouses et la manière dont elles ont installé la discipline dans les âmes en se substituant aux peines afflictives est aussi crucial pour l’étude historique du crime et du châtiment, de même que son analyse des fonctions manifestes et latentes de la punition.

 

Vous avez mentionné le lumpenprolétariat. On prête généralement au marxisme un jugement très sévère à son encontre. Cette représentation est-elle définitivement établie ou est-il possible de la nuancer, voire de la discuter ?

Dans le chapitre 25 du Capital, avec la loi de paupérisation, Marx expose l’idée selon laquelle à mesure que la composition du capital change, avec l’augmentation du capital fixe par rapport au capital variable et une offre de travail qui tend à augmenter, ceux qui ne parviennent pas à vendre leur force de travail doivent survivre en ne comptant que sur leurs propres ressources. De sorte que la population au travail s’accroît excessivement par rapport aux besoins du capital, formant des masses de surnuméraires que Marx nomme « surplus relatif ». Ce surplus constitue une armée de réserve disponible pour le capital, agissant comme un « thermomètre » des salaires de la classe ouvrière employée, empêchant leur croissance afin de ne pas gêner l’accumulation du capital.

Suivant cette analyse, Marx identifie, en bas de ce « surplus relatif », des secteurs extrêmement pauvres, chroniquement inemployés ou employés sporadiquement à des travaux précaires, dont l’intégration sur le marché du travail n’a lieu que lors de moments de croissance économique, mais qui ne parviennent pas à conserver leurs emplois. Ce secteur est nommé paupérisme, un secteur socio-économique qui, quand il n’est pas soumis à la discipline du travail, était surtout soumis à la répression via la surcriminalisation de stratégies de survie tels le vagabondage, la mendicité, des infractions vénielles.

À mon sens, les contributions de Marx et Engels nous permettent de comprendre le lumpenprolétariat comme une composante du paupérisme. Sa particularité est qu’il n’était pas seulement exclu du marché du travail et marqué par un statut social très bas (à l’instar de ses équivalents dans d’autres catégories du paupérisme), mais qu’il lui manque aussi une conscience de classe, jouant ainsi un rôle réactionnaire actif dans les luttes de classe, encourageant une attitude de « tous contre tous ». En conséquence, l’ « avantage » du lumpenprolétariat est que lorsqu’il remplissait une fonction utile à la classe dominante, celle-ci pouvait renoncer à réprimer le crime.

Ainsi, le rejet du lumpenprolétariat ne doit pas être assimilé à une répudiation d’ensemble des masses inemployées et extrêmement appauvries. De plus, se démarquant du déterminisme, Marx et Engels considéraient que le rôle du lumpenprolétariat pouvait changer au cours du processus historique. Dans le Manifeste communiste, ils affirment que le contexte révolutionnaire peut faire rentrer le sous-prolétariat dans le giron du mouvement ouvrier. Autrement dit, loin d’être une catégorie figée, le lumpenprolétariat peut changer de place dans le cadre du conflit de classe.

 

Quelle est selon vous – ou quelle devrait être – la contribution de la criminologie marxiste au débat actuel concernant l’incarcération de masse, particulièrement aux États-Unis, particulièrement des Noirs ?

J’ai choisi de débuter le livre par une phrase-choc : « Je ne peux plus respirer ». Ce sont les derniers mots d’Eric Gardner, un noir américain mort suite à son arrestation pour une infraction bénigne (un vol de cigarettes dans la rue), alors qu’il n’était pas armé ; des mots prononcés à New York en juillet 2015 après avoir supplié en vain d’être libéré. Je me suis alors demandé : l’injustice qui empoisonne cette affaire (inégalité sociale, violence policière, impunité judiciaire) représente-t-elle un incident isolé, ou exprime-t-elle un biais inhérent au système pénal ? Cette réponse punitive et partiale à un conflit social, est-elle un phénomène local, réservé aux zones urbaines comme la ville de New York, ou un phénomène national, voire mondial ? Dans quelle mesure l’expérience poignante d’Eric Gardner peut-elle décrire le fonctionnement actuel de la justice pénale ? Et peut-on remonter le fil de l’histoire pour le comprendre ?

Le livre envisage ces questions complexes par-delà l’affaire Gardner, prise comme une illustration frappante de la façon dont le système pénal repose sur un paradoxe : une promesse de justice mêlée en pratique à de l’injustice. Le livre avance que ce n’est pas seulement M. Gardner, mais des communautés ou des populations entières qui « ne peuvent plus respirer » dès lors qu’elles sont confrontées au système pénal. La notion de sélectivité pénale vise à mettre en lumière le fait que c’est l’ensemble du système pénal (l’édiction des normes, leur application, les conséquences qui en résultent, etc.) qui est corrompu par des biais qui ne concernent pas seulement l’appartenance de classe mais aussi la race, l’origine ethnique, le genre, l’appartenance religieuse et d’ou résulte une stigmatisation.

À ce propos les chiffres parlent d’eux-mêmes. Aux États-Unis, 12 millions de personnes sont prises dans un système de contrôle pénal de masse, et la plupart d’entre elles sont des jeunes hommes noirs ou latinos sans diplôme et au chômage. Dans les huit premiers mois de 2014, par exemple, les communautés noires et latinos représentaient 86% des personnes arrêtées pour possession de cannabis à New York. À l’échelle du pays, sur les 1 100 personnes tuées chaque année par la police, 95% des victimes sont des hommes, la moitié ont moins de 34 ans, et les Noirs sont fortement surreprésentés (un mort sur quatre). Ensuite, les biais sont également inhérent au système judiciaire : les populations minoritaires manquent de moyens de défense convenables, à quoi s’ajoute le fait que des agents publics les incitent à plaider coupable. Quand les accusés font face à un jury, celui-ci est le plus souvent blanc. L’injustice ne s’achève pas quand les gens sont libérés de prison : après leur peine, ils peuvent avoir perdu leur droit de vote, avoir été exclus du logement social, voir leurs droits parentaux retirés, ne pas pouvoir briguer un emploi public, se voir refuser l’aide sociale publique. De plus, la sélectivité pénale est socialement omniprésente bien au-delà du système pénal : du point de vue de la race, les jeunes hommes noirs américains ont plus de chances d’aller en prison qu’à l’université, comme Michelle Alexander le montre. Pour donner juste un exemple, alors que 992 hommes noirs américains ont reçu l’équivalent d’une licence dans les universités de l’État de l’Illinois en 1999, à peu près 7 000 autres étaient relâchés par le système pénitentiaire du même État l’année suivante pour des infractions de faible gravité à la législation sur les stupéfiants. Somme toute, la sélectivité pénale remplit une fonction de contrôle social sur les minorités raciales et les populations paupérisées placées à l’écart du système scolaire, de l’aide sociale publique, du marché du travail et autres mécanismes souples de contrôle social, et non pas seulement comme un moyen de lutter contre la criminalité.

Il va de soi que l’impact frappant de la race sur le plan de la sélectivité pénale n’est pas propre aux seuls États-Unis. En Europe, la justice pénale n’est pas aussi homogène qu’aux États-Unis sur le plan démographique, cependant elle vise aussi de façon disproportionnée les immigrés et les minorités.

Somme toute, la perspective du livre est d’analyser la sélectivité pénale en observant comment elle fonctionne à travers l’ensemble du processus pénal. La première étape est celle de la rédaction des textes, qui créé de l’inégalité devant le droit. La deuxième étape est celle de ce qu’on peut appeler le profilage policier dans l’application de la loi, qui renvoie à l’activité discrétionnaire des agents de la force publique (y compris la police aux frontières et les brigades spéciales). Il ne s’agit pas seulement de « profilage racial », comme on le dit couramment, car il touche aussi la classe sociale, l’ethnicité, le genre, la religion. La troisième étape est celle de l’activité judiciaire au niveau des poursuites. C’est ce qu’on peut appeler la discrétion judiciaire, pour marquer le fait qu’elle ne renvoie pas seulement à des biais dans l’activité des procureurs mais aussi à celle des juges, des avocats, des jurés. La quatrième étape, celle de la pénalisation différentielle, renvoie à l’inégalité des sanctions et, en particulier, à la gestion carcérale. Elle englobe l’administration des conséquences de condamnations qui contribuent à reproduire le cycle de l’exclusion économique et sociale.

Analyser non seulement la classe sociale mais aussi l’injustice raciale à travers le concept de sélectivité pénale, comprendre qu’il s’agit d’une caractéristique qui traverse toutes les étapes du système pénal, qu’il s’agit non pas d’un phénomène récent mais d’un trait permanent du système capitaliste : tout ceci pousse à questionner en profondeur et de façon compréhensive [au sens d’une prise en compte de l’ensemble des éléments qui le composent] le système pénal, à redéfinir le débat de sorte à changer ce système.

 

Vous-mêmes avez un regard interne, puisque vous avez travaillé au sein du système judiciaire argentin, du côté de la défense. Quelle est la nature de cette expérience et comment nourrit-elle votre travail universitaire, théorique ?

C’est une question que je ne cesse de me poser ! Dans les mois qui viennent je me consacrerai uniquement au travail universitaire, mais le poste que j’ai occupé jusqu’à très récemment impliquait de coordonner une équipe pluridisciplinaire de psychologues, de juristes, de travailleurs sociaux offrant aux plus démunis de l’aide juridique dans des affaires pénales afin de contribuer à minimiser les effets judiciaires de la vulnérabilité sociale. Auparavant, j’ai travaillé comme conseillère juridique au sein de l’agence nationale argentine de santé publique, où j’ai participé à la conception de la loi sur la santé mentale, loi qui met l’accent sur le paradigme de la santé communautaire en lieu et place d’une approche asilaire. J’ai aussi participé à un programme d’aide aux prisonniers confrontés à des problèmes de santé mentale au sein d’une équipe interdisciplinaire déliée des contraintes (de confidentialité notamment) de leurs homologues au sein du système pénitentiaire. Avant cela j’ai aussi travaillé pendant douze ans dans différents tribunaux pénaux.

Évidemment, quand vous travaillez au sein du système pénal, même du côté de la défense où, au moins, vous ne portez pas la fardeau du prononcé des sentences, vous devez composer avec l’injustice. Il serait plus facile d’être une universitaire à plein temps et de s’épargner tous les aspects négatifs de la pratique pénale… Deux éléments à ce sujet.

D’abord, le champ universitaire argentin en matière juridique est minuscule. La plupart des universitaires ont en fait une pratique judiciaire à plein temps, que ce soit à titre indépendant ou au sein des tribunaux ; ils n’enseignent et font de la recherche qu’à titre secondaire et le plus souvent de façon bénévole ou quasi bénévole. Ce qui est dommage, car les universitaires n’ont alors que très peu de temps et de moyens pour mener des travaux novateurs et la possibilité de faire du travail de terrain est rendue quasiment impossible. J’ai fait ma thèse de doctorat tout en enseignant et en travaillant par ailleurs à plein temps au sein des tribunaux et cette situation n’a rien d’exceptionnel.

Ensuite, je crois que si nous pouvons à la fois penser de façon critique le système judiciaire en tant qu’universitaires et travailler en son sein pour en réduire l’arbitraire, en exploitant la faible marge de manœuvre qu’il laisse pour ce faire, nous pouvons peut-être améliorer un tant soit peu l’état du monde. Autrement dit : certes, le système pénal est injuste et arbitraire, il est destiné à surcriminaliser les catégories les plus vulnérables de la population et sous-criminaliser les puissants. Néanmoins, en travaillant au sein de ce système avec un esprit critique, on peut avoir la possibilité de jouer dans ses interstices, au moins pour des affaires individuelles : obtenir une peine un peu plus légère pour quelqu’un qui risque la prison à cause d’une infraction bénigne, offrir gratuitement du conseil juridique à une personne incarcérée qui n’a jamais eu avant la possibilité de faire part de sa situation, ou même simplement traiter les prévenus avec humanité et leur expliquer honnêtement les choses sans recourir au jargon juridique. Ce ne sont que de toutes petites victoires, elles ne contrebalancent pas la pénibilité qu’entraîne le fait d’agir au sein du système, mais elles valent quand même qu’on les vise.

 

Entretien mené et traduit par Grégory Salle

 

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Valeria Vegh Weis