Dans son excellent ouvrage, The History of White People, Nell Irvin Painter soutient que « l’étude critique de la blanchité commence avec The Wages of Whiteness : The Making of the American Working Class de David Roediger en 1991, et How the Irish Became White de Noel Ignatiev en 19951. » J’ai beaucoup œuvré, au cours des vingt dernières années, pour ne pas être cette référence désignée par Painter. Toutefois, dans cet article, je tiens à reconnaître qu’elle n’a pas tout à fait tort non plus.
Il existe plusieurs bonnes raisons de ne pas vouloir être considéré comme un fondateur (ou cofondateur) de l’étude critique de la blanchité. Une telle filiation tendrait à identifier le moment de publication, dans les années 1990, de travaux par des blancs sur la blanchité comme l’origine d’un nouveau domaine de recherche, alors qu’en fait, des auteurs et militants non-blancs ont longtemps étudié les identités et pratiques blanches, en tant que problèmes à historiciser, analyser, théoriser, et contre lesquelles lutter. Mon objectif dans la longue introduction à l’ouvrage Black on White : Black Writers on What It Means to Be White est précisément d’insister sur la filiation plus ancienne de ces études récentes sur laquelle elles s’appuient. De plus, même au cours des vingt dernières années, les critiques les plus éloquentes de la blanchité ont été l’œuvre d’auteur.e.s de couleur comme Toni Morrison, Cheryl Harris, et maintenant Painter2.
Il faut donc reconnaître que l’étude critique de la blanchité bénéficie d’une longue tradition, principalement alimentée par ceux pour qui la blanchité est un problème, y compris certains intellectuels blancs radicaux, qui soutiennent la thèse selon laquelle la revendication d’une identité blanche a mené à des actes inhumains et à la poursuite effective d’intérêts de classe parmi les blancs. Adopter cette vision plus large et plus précise du travail accompli me semble la parade la plus efficace contre l’idée que l’étude de la blanchité a constitué une mode, une fantaisie passagère comme l’étude du porno. Dans un article sur l’étude de la blanchité publié dans le New York Times Magazine en 1997, Margaret Talbot a exprimé ce point de vue avec autant de virulence que d’incompréhension. Sous le titre « Se gratifier d’être blanc [Getting Credit for Being White]3 », elle a choisi de ne prendre en compte que les auteurs blancs de ce courant, en déplorant que cette mode fasse partie d’un ensemble plus large de « livres qui semblent mal équipés pour résister à l’épreuve du temps ».
En faisant de The Wages of Whiteness et How the Irish Became White des textes fondateurs du champ d’études de la blanchité, on l’expose à une série de critiques consistant à y voir un projet ultra-radical créé à des fins révolutionnaires et non à des fins de connaissance. C’est-à-dire qu’Ignatiev et moi-même avons beaucoup de visibilité en tant qu’auteurs de livres qui ont circulé assez largement parmi les jeunes militants ayant maintes fois établi leur désir d’en finir avec la blanchité. Les attaques hystériques du journaliste de droite David Horowitz sur les études sur la blanchité ont joué avec insistance sur l’idée qu’un tel travail n’aurait aucune valeur scientifique mais se réduirait à de l’endoctrinement et de la propagande. Horowitz a déjà tenté, de manière extravagante et implausible, de localiser l’étude critique de la blanchité « au niveau des écrits théoriques de tueurs de masse comme Lénine et Mao, et des dictateurs totalitaires comme Fidel Castro, Ho Chi Minh, Staline, Hitler et Mussolini4. »
Les essais d’Eric Arnesen sur le sujet, tous trois plus acerbes les uns que les autres, mettent en garde contre l’étude de la blanchité. Ils marquent des points « anti-communistes », affirmant que les conclusions des écrits sur la blanchité sont manipulées par la politique radicale, réservant son plus grand mépris pour mon travail et surtout celui d’Ignatiev comme étant des exemples de « moralisme sectaire ». À propos d’Ignatiev, Arnesen semblerait préférer la purge au débat : « que sa sensibilité politique sectaire puisse trouver une place respectable au sein des départements d’histoire des universités témoigne de la nature œcuménique peut-être trop généreuse de l’université (du moins envers les sujets considérés comme progressistes) ». D’après ce point de vue, l’engagement politique d’Ignatiev aurait laissé une marque indélébile de « sectarisme de gauche » sur son travail historique. Mon propre péché serait d’avancer une politique antiraciste « bizarre » au sein de mes écrits académiques – d’aller au-delà des « barricades discursives » et d’appeler à l’offensive contre la suprématie blanche dans le monde réel5.
Ceci étant dit, je ne suis plus totalement en désaccord avec Painter, quand elle parle d’un renouveau de l’étude critique de la blanchité au début des années 1990, du moment qu’il est entendu que nous parlons de son émergence dans le contexte de l’histoire américaine comme discipline et que nous reconnaissons que si Ignatiev et moi-même sommes les plus identifiés avec l’audace et l’engagement universitaire de ce renouveau, nous étions loin d’être les seuls engagés ou d’en être les meneurs intellectuels. Énumérer une liste plus complète des auteurs qui ont travaillé sur l’histoire de la blanchité dès les années 1990, en tant que fondateurs de la nouvelle phase de l’évolution de ce domaine d’études, donnerait une vision d’ensemble plus précise et diminuerait la vulnérabilité de ce champ aux attaques, même si d’autres figures importantes développaient en même temps des projets militants et des engagements intellectuels de gauche. Alexander Saxton et Theodore Allen étaient notamment là dès le début, et leurs ouvrages avaient un poids autrement plus considérable que le mien ou celui d’Ignatiev. Et Venus Green, Michael Rogin, George Lipsitz, Bruce Nelson ou Karen Brodkin devaient également bientôt publier d’importantes études6.
Ignatiev et moi avons principalement énoncé les thèses dont on se souvient le plus : l’idée de la blanchité comme « salaire », l’insistance sur le fait que certains immigrés « deviennent blancs », même si ces expressions sont, comme nous le verrons, très redevables des travaux plus anciens d’auteurs socialistes afro-américains comme W.E.B. Du Bois et James Baldwin. La présence de ce groupe plus large d’historiens radicaux hétérodoxes, majoritairement marxistes, travaillant sur la blanchité dans les années 1990 a permis que les petits ouvrages écrits par Ignatiev et moi-même ne soient pas totalement marginalisés, et qu’ils fassent même l’objet de discussions intenses à travers différentes disciplines.
Ce texte s’emploie donc à situer dans les années 1990 les origines d’un nouveau corpus d’études critiques sur la blanchité aux États-Unis, principalement basées sur l’histoire, dans un cercle d’auteurs aux expériences communes et disparates et aux idées marxistes remontant au moins aux années 1960, et pour certains cas aux années 1930. Les auteurs de ces études partageaient souvent les mêmes mentors, les mêmes inspirations et les mêmes moyens de publication. Nous nous connaissions par groupes de deux, trois ou quatre, même si nous n’avons jamais fonctionné en tant que groupe et aurions rechigné à l’idée qu’un champ d’études de la blanchité doive exister en-dehors de l’histoire radicale et des études ethniques.
L’article tente ensuite de décrire un milieu et de revenir sur sa formation, suggérant le rôle clé d’un marxisme fondé sur le militantisme syndical et les idées de C.L.R. James, Baldwin, George Rawick, et surtout Du Bois. Même l’adhésion de certains d’entre nous à la psychanalyse comme moyen de diriger nos recherches est venue de la gauche. La réussite d’intellectuels marxistes à reformuler l’étude de la race à travers l’étude critique de la blanchité mérite d’être soulignée, parce que les succès du matérialisme historique aux États-Unis ont été assez rares au cours des deux dernières décennies. L’émergence de ce champ comme projet historico-matérialiste, en partie dans le contexte spécifique du mouvement de libération noire, mérite aussi d’être explicitée, parce qu’il y a une certaine tendance parmi les critiques universitaires à imaginer que l’étude critique de la blanchité vient du postmodernisme, de Freud et des politiques identitaires, voire d’une opposition au marxisme. Au pire de sa négligence ou de son désir d’opposer certaines traditions marxistes les unes aux autres, cette critique s’est même rabaissée à qualifier l’étude critique de la blanchité de « critique du matérialisme historique », d’expression d’un « anti-matérialisme à la mode », ou même (dans une critique d’Allen, qui plus est) d’ « idéalisme philosophique extrême »7.
En général, ces critiques citent la position résolument empiriste et non-marxiste d’Arnesen au début d’un essai puis décrètent quels livres sont suffisamment matérialistes et quels livres ne le sont pas. (On peut relever une circonstance atténuante : en l’espace de quelques lignes, Arnesen réussit à reprocher aux spécialistes de la blanchité de n’avoir pas rompu plus catégoriquement avec le marxisme pour les qualifier ensuite de « pseudo-marxistes », ce qui impliquerait peut-être un engagement de sa part envers un marxisme réel, non spécifié. Il a ensuite ridiculisé la psychanalyse, tout en se plaçant sur une hauteur d’où il juge les pratiquants d’une « pseudo-psychanalyse ». Il y avait donc de quoi s’y perdre8) Dans certains cas, ces critiques ont fait surface chez des auteurs qui, durant leur longue carrière, ont à peine reconnu l’existence du marxisme, et se découvraient une volonté soudaine de défendre le marxisme contre l’étude de la blanchité, volonté qui, comme par hasard, s’oppose à des gens qui se revendiquent comme marxistes depuis longtemps9.
Un projet de gauche de longue date
Les œuvres historiques de poids répondent souvent aux dangers du moment où elles apparaissent, même si elles ne s’y réduisent pas. Il est donc à la fois significatif et en même temps peu étonnant que les premières études de l’identité et des pratiques de la classe ouvrière blanche soient apparues en réaction au régime de Ronald Reagan dans les années 1980 et aient été publiées pendant, ou juste après, le mandat de George Herbert Walker Bush au début des années 1990. Ces études, alors nouvelles, s’inscrivaient donc non seulement dans des époques réactionnaires mais aussi dans des périodes où un grand nombre de travailleurs blancs, même syndiqués, ont voté de façon réactionnaire. Pour les auteurs comme pour les lecteurs d’études critiques de la blanchité, ce moment a suscité un intérêt passionné pour le conservatisme de la classe ouvrière et son rapport à la race. Le fait de penser et de voter en tant que blancs, et non en tant qu’ouvriers, a fait de l’ouvrier blanc un problème immédiat, ouvrant la possibilité de faire aussi des travailleurs blancs un problème historique.
Toutefois, les longues trajectoires d’auteurs comme Saxton et Allen suggèrent des inspirations plus variées. Sorti en 1990, The Rise and Fall of the White Republic : Class Politics and Mass Culture in Nineteenth Century America précède tous les autres ouvrages en question ici. Il s’agit du cinquième livre de Saxton, après trois romans prolétariens dans les années 1940 et 1950, et après The Indispensable Enemy : Labor and the Anti-Chinese Movement in California, un brillant compte-rendu du racisme ouvrier contre les chinois en Californie. Rejoignant le mouvement communiste dans les années 1930, après avoir été éduqué à Harvard et à l’Université de Chicago, Saxton a organisé les travailleurs du chemin de fer et du bâtiment, et a travaillé comme publiciste pour le Comité d’Unité Maritime, un projet d’unification des travailleurs dans des syndicats qui avaient des pratiques très originales en ce qui concerne la race. Il a poursuivi un doctorat à l’Université de Californie au milieu de sa vie, n’ayant pas pu vivre de ses romans ni, pendant la répression du début de la Guerre Froide, se procurer de passeport10.
Le militantisme syndical de Saxton était souvent centré sur la race, même dans les syndicats de cheminots et du bâtiment, dont l’atmosphère était particulièrement empreinte de « Jim Crow ». Pendant son exploration des luttes anti-discrimination parmi les cheminots dans son roman The Great Midland, paru en 1948, Saxton a dû s’intéresser aux industries de production de masse pour imaginer comment poser son intrigue. Comme il l’a écrit lors de la réédition de son roman, il n’avait « jamais entendu parler d’un délégué syndical des chemins de fer qui ait défendu les travailleurs noirs ». À un moment des années 1940, Saxton a milité pour l’emploi équitable dans les chemins de fer et s’est heurté à l’argument selon lequel il ne fallait pas que les afro-américains soient représentés dans les comités syndicaux parce qu’ils agiraient sur la base de leurs propres intérêts raciaux, contrairement aux blancs, affirmait-on. « Apparemment, a-t-il observé, les hommes blancs n’appartiennent à aucune race11. »
La réflexion de Saxton sur la façon de présenter sous forme de fiction la race et la classe l’ont mené dans des directions similaires. Passionné par les succès populaires de John Steinbeck, il a dit de la décision de celui-ci d’avoir fait de ses travailleurs dans Les Raisins de la colère des réfugiés du désert de poussière de l’Oklahoma plutôt que des « prolétaires Mexicains et Mexicains-Américains » qu’elle montrait la façon dont « le racisme blanc pénètre [dans l’œuvre de Steinbeck], non pas comme affirmation, mais sous forme de silences et d’omissions12 ». Son premier ouvrage universitaire, The Indispensable Enemy, chef-d’œuvre magnifique, a disséqué l’unité syndicale défigurée par l’organisation des ouvriers blancs en tant que blancs contre les ouvriers asiatiques. Plus tard, le militantisme de Saxton contre la guerre du Vietnam et ses activités dans l’établissement des Asian American Studies se sont ajoutés à son militantisme syndical pour former son traitement de la race dans Rise and Fall of the White Republic, ouvrage qui met en relief les connexions entre la race et le pouvoir, et une aptitude à créer à tout moment des coalitions blanches entre les classes sociales13.
De la même manière, Theodore Allen s’est appuyé sur un demi-siècle de militantisme radical pour la rédaction des deux volumes de The Invention of the White Race dans les années 1990, après avoir préalablement publié une série d’articles et de pamphlets chez des éditeurs radicaux. Issu d’une famille bourgeoise d’Indianapolis, et éduqué en Virginie de l’Ouest, Allen a été « prolétarisé par la Grande Dépression », pour reprendre ses propres termes. Il avait été tenté par les études mais ne les trouvait pas propices à la réflexion indépendante. À l’âge de 17 ans, il avait rejoint la Fédération américaine des musiciens. Bientôt, il devient délégué au syndicat central à Huntington, en Virginie de l’Ouest, et membre du Parti communiste. Il rejoint alors le Congrès des Organisations Industrielles comme mineur de charbon en Virginie de l’Ouest, un État où l’United Mine Workers (UMW) était une organisation multiraciale et où l’étendue de l’unité interraciale a fortement marqué les possibilités du syndicalisme. Suite à un accident du travail, Allen quitte les mines pour New York, où il exerce des métiers tels qu’employé d’usine, vendeur, dessinateur, professeur de mathématiques à la Grace Church School, et plus tard facteur, employé de musée et documentaliste à la bibliothèque municipale de Brooklyn. Après avoir quitté le Parti communiste vers la fin des années 1950, il s’est immédiatement impliqué dans le Comité provisoire de reconstitution du Parti communiste14.
Pendant les années 1960, Allen a tenté de pousser la Nouvelle Gauche sur son point aveugle concernant la race, et particulièrement autour de ce qu’il considérait comme la vraie « institution particulière » dans l’histoire des États-Unis : la formation de la race blanche. Le travail historique d’Allen a consisté à fonder la thèse selon laquelle l’identification de certains travailleurs à la race blanche constituait le « talon d’Achille » des possibilités révolutionnaires aux États-Unis. C’était tellement le cas, et la pensée de gauche sur le sujet était si sous-développée que, dans les années 1960, Allen a intitulé un texte « Les radicaux blancs peuvent-ils être radicalisés ? ». Mais, contrairement à d’autres qui ont adopté le terme « privilège de peau blanche », comme la tendance Weatherman au sein du Students for a Democratic Society (SDS), l’analyse d’Allen considérait que les ouvriers blancs étaient capables de s’engager dans des actions révolutionnaires. Au fur et à mesure qu’ils apprendraient à ne pas se laisser dévier de leurs propres intérêts par de maigres, et même pitoyables, avantages, ces ouvriers viendraient selon lui à voir les luttes pour la libération d’autres races comme étant centrales à un mouvement de lutte des classes15.
Comme l’indique le titre d’un pamphlet de 1967 auquel Allen a contribué, Comprendre et combattre la suprématie blanche, ces deux tâches sont devenues pour lui inséparables et il les a prises très au sérieux. Le double argument en faveur de la reconnaissance du poids écrasant de la race comme instrument de contrôle social depuis le début de l’histoire américaine d’une part et, de l’autre, de la possibilité que ce poids soit levé et donne un nouvel élan aux luttes a décidé Allen à étudier l’histoire de près, et en particulier les histoires coloniales de l’Irlande et de la Virginie. En 1975, au moment de la parution de son pamphlet La lutte des classes et l’origine de l’esclavage racial : l’invention de la race blanche, Allen avait fait de la rébellion interraciale de Nathaniel Bacon l’évènement clé du mouvement vers la constitution de la race comme charnière du contrôle des classes par l’élite en Virginie. Dans le sous-titre de l’ouvrage, il a établi le programme de ses recherches des deux décennies suivantes. Dans ses deux grands volumes sur cette invention, le développement par les Britanniques de strates intermédiaires pour imposer le colonialisme en Irlande fournit non seulement un élément de comparaison avec la Virginie du XVII° siècle, mais aussi un cas dont les leçons ont été tirées de manière inter-impériale dans l’administration de différents endroits du territoire nord-américain. En se concentrant sur ces deux cas, Allen arrache l’oppression raciale à l’intemporalité des réalités dites naturelles pour en faire un phénomène historique de longue date et souvent décisif.
Vingt-cinq ans plus tard, Noel Ignatin, le collaborateur d’Allen, deviendra lui aussi une figure marquante de l’histoire critique de la blanchité, alors sous le nom de Noel Ignatiev. Né à Philadelphie, Ignatin a abandonné ses études à l’Université de Pennsylvanie au début des années 1960 et a passé les vingt-trois années suivantes à travailler, à Chicago et ailleurs, dans les industries de la sidérurgie, des équipements agricoles, et de l’électricité, acquérant des compétences d’électricien et de machiniste. Il a rencontré Allen autour d’efforts pour reconstituer un mouvement communiste dans les années 60. Ils ont travaillé ensemble sur un pamphlet consacré au « privilège de peau blanche » en 1967. Après avoir été membre de SDS, Ignatin est devenu une figure centrale de la Sojourner Truth Organization (STO) depuis sa fondation en 1969 jusqu’à la fin des années 1970. La STO combinait de manière distinctive le léninisme, l’organisation ouvrière non-syndicale, une attraction envers les idées de race, classe et nation du révolutionnaire trinidadien C.L.R. James, des efforts de solidarité critique envers des révolutionnaires noirs et portoricains, et une étude approfondie de l’histoire des États-Unis et du matérialisme historique en général.
Actif sur de nombreux fronts, Ignatin écrivait en particulier sur la race et la classe ouvrière, se basant sur ses expériences en usine pour son discours de 1972, diffusé sous le manteau sous le titre de « Travailleur noir, travailleur blanc » et publié en 1974 sous le titre « Travailleurs noirs, travailleurs blancs ». Ce discours décrit l’identité des travailleurs blancs comme étant le résultat d’une entente de faveur entre les patrons et eux. Les patrons restaient patrons et les travailleurs apprenaient à « embrasser les chaînes de la misère réelle ». L’analyse a été controversée, même au sein de la STO. Elle a été publiée dans Radical America, mais avec des objections en guise de préambule16. Vingt ans plus tard, How the Irish Became White d’Ignatiev devait se voir confronté à des questions similaires sur la façon d’équilibrer le consentement et la coercition, deux éléments qui se sont combinés pour rendre certains travailleurs blancs aux États-Unis au XIX° siècle.
Bien que plus jeune qu’Igniatiev d’une seule décennie, mes propres expériences sont celles d’une génération politique différente : j’ai en effet rejoint la Nouvelle Gauche assez tard dans son évolution (en 1969) et suis devenu un dirigeant du SDS en 1970, au sein d’une section dynamique du campus isolé de l’Université de l’Illinois du Nord, à une époque où l’organisation était arrivée au terme de son existence au niveau national mais où personne ne nous l’avait dit. Mon expérience politique au sein de SDS, du collectif socialiste révolutionnaire Red Rose Bookstore Collective, et de l’organisation pro-grève et anti-nazie Workers Defense, m’a donné une éducation marxiste assez orthodoxe, atténuée par des contacts avec le mouvement Black Power, alors en déclin, avec un mouvement de libération des femmes en essor, avec le surréalisme, et avec l’arrière-garde marxiste libertaire rassemblée dans le collectif qui dirigeait la Charles H. Kerr Company, la plus ancienne maison d’édition socialiste du monde. J’ai été président du conseil d’administration de Kerr par intermittence au cours des années 1980 et 1990.
Il est donc remarquable qu’on lie mon travail au post- (et parfois anti-) marxisme de Chantal Mouffe et Ernesto Laclau, étant donné que j’ai même résisté à utiliser le travail de plus en plus popularisé d’Antonio Gramsci, par crainte de concession au réformisme. De même, l’accent mis, dans certaines de mes œuvres, sur des mots clés tels que « patron », « maître » et « graisseur », pour le meilleur ou pour le pire, n’est pas venu d’une connaissance intime de ce qu’Arnesen appelle « l’attrait croissant des cultural studies avec son accent sur […] les jeux de mots », mais du marxisme britannique de Raymond Williams et du marxisme russe de M.M. Bakhtine17. De même, la tentative menée dans The Wages of Whiteness d’inscrire les choix des ouvriers blancs de se définir comme « pas des esclaves » et « pas noirs » dans le contexte de la gestion de l’aliénation et la discipline temporelle qui va de pair avec la prolétarisation plutôt que dans celui de la concurrence interraciale dans le travail a été informée de manière décisive par les analysées du travail développées par l’historien marxiste britannique E.P. Thompson18. À la fin des années 1980 et pendant les années 1990, alors que je me suis dirigé plus vers le travail de solidarité avec l’Afrique du Sud, encore une fois, mon influence principale était marxiste, venant principalement de ceux qui essayaient de discuter ouvertement de « capitalisme racial ». Une de mes réactions préférées à Wages of Whiteness a été la tentative de Jeremy Krikler d’adapter certaines de ses idées à l’histoire de l’Afrique du Sud19.
Pour d’autres également, c’est la participation dans des luttes de la classe ouvrière qui a formé leur étude de la blanchité. La principale étude de l’organisation du travail et du travailleur blanc vient de l’ouvrage de Bruce Nelson, paru en 2001, intitulé Divided We Stand : American Workers and the Struggle for Black Equality. Nelson a abandonné ses études à Berkeley pour devenir un militant ouvrier radical pendant la majeure partie des années 1970, travaillant à la chaîne dans une usine de camions avant de poursuivre un doctorat. Venus Green, dont le magnifique Race on the Line reste l’analyse la plus perspicace du fonctionnement de la blanchité dans le contexte du travail, des compétences et du droit dans une industrie, a travaillé et organisé dans l’industrie de la télécommunication, qu’elle étudie longuement avant de finir son doctorat à Columbia20. Karen Brodkin a précédé son How Jews Became White Folks par une magnifique étude anthropologique des luttes multiraciales des travailleurs hospitaliers, étude qu’elle a envisagée comme projet de solidarité autant que projet intellectuel. George Lipsitz, dont le The Possessive Investment in Whiteness compte parmi les travaux essentiels les plus cités, « s’est inscrit en doctorat en espérant en apprendre assez sur l’histoire du travail pour comprendre notre échec » après la dissolution d’un collectif radical qu’il avait rejoint au début des années 1970 pour soutenir une organisation syndicale d’opposition de routiers à St. Louis21.
Confluences
Au-delà de la collaboration étroite entre Ignatin et Allen, plusieurs liens nous ont rapprochés les uns des autres bien avant les années 1990. Lipsitz et moi-même étions à St. Louis, et côtoyions les mêmes syndicats d’opposition, à peu près au même moment, au début des années 1970, et nous sommes connus à travers notre admiration mutuelle de l’historien marxiste George Rawick, basé à St. Louis, dont l’œuvre classique From Sundown to Sunup : The Making of the Black Community (1972) se terminait par une longue méditation sur les origines et le coût de la blanchité. Rawick, Allen et Ignatin écrivaient tous des articles très provocateurs sur la race et la classe qui circulaient largement et étaient souvent republiés dans la revue Radical America. Liée à ses débuts au mouvement SDS, la revue était également une source majeure de travaux de C.L.R. James, qui a exercé une influence directe sur Ignatin et, à travers Rawick, sur Lipsitz et moi-même. La source sur James que j’ai le plus souvent relue, c’est le hors-série du journal de la Sojourner Truth Organisation, « Urgent Tasks », qui lui a été dédié et auquel Ignatin, Rawick et moi avons tous contribué.
À la fin des années 1970, quand j’ai rencontré Ignatin à Chicago, c’était à travers des amitiés mutuelles avec des membres du Chicago Surrealist Group, tels que Penny et Franklin Rosemont. Ce dernier allait bientôt produire un article brillant sur l’histoire et la logique de la critique de la blanchité par le surréalisme, publié dans Race Traitor, co-écrit par celui qui s’appelait désormais Ignatiev. Même si nous n’étions pas du tout d’accord sur le rôle des syndicats à l’époque, une formulation particulière d’Ignatin dans ses réflexions sur les ouvriers noirs et blancs dans Radical America avait pénétré ma conscience : « Le problème clé, ce n’est pas le racisme de la classe des employeurs, mais le racisme de l’ouvrier blanc (après tout, le racisme du patron lui vient naturellement, vu qu’il sert les intérêts de sa classe22). » Autant maintenant je vois les deux problèmes comme intrinsèquement liés, autant l’accent sur la centralité de l’ouvrier blanc dans l’ordre racial a été une idée durement acquise, et qu’on trouvait à très peu d’autres endroits à gauche, sauf chez ceux qui rejetaient entièrement les ouvriers blancs.
Quand des livres sur la blanchité et le « point aveugle blanc » dans l’histoire des États-Unis ont commencé à paraître, plusieurs œuvres majeures sont parues dans la collection « Haymarket » de Verso / New Left Books, après la publication du travail de Saxton, Allen, et le mien, sous la direction de Mike Davis et Michael Sprinker. La collection « Haymarket » a également publié Beyond the Pale de Vron Ware et White Guys de Fred Pfeil, en tant qu’interventions importantes dans ce champ en développement. J’ai été le relecteur des travaux d’Allen, et bien que je n’aie pas fait grand-chose pour améliorer sa force et son éloquence, j’ai pu lui donner quelques conseils sur la manière de raccourcir son manuscrit d’une longueur impressionnante, et sur la manière de le diviser en deux volumes. Quand Verso, plus tard, a réédité White Republic de Saxton, j’en ai écrit la préface23.
Il ne faut pas exagérer l’étendue et l’importance de telles connexions. Par exemple, Allen et moi ne nous sommes rencontrés qu’une seule fois, malgré le fait qu’il m’appelle par mon prénom tout au long de sa critique On Roediger’s Wages of Whiteness. Il ne faut pas croire, non plus, que notre engagement marxiste commun entraîne systématiquement un accord sur les détails, comme on le voit au ton et au contenu du texte de Ted, qui rejette jusqu’au terme « blanchité ». (Toutefois, il faut souligner que le ton de ces débats politiques avait plus d’équilibre et d’esprit de camaraderie que certains résumés de sa position24).
Le choix commun par Igniatiev, Allen et moi-même de l’expérience irlandaise comme élément clé de la formation raciale blanche fait sens, dans le contexte de l’importance qu’accordent Marx et Engels à l’exemple irlandais, comme élément clé de la tactique « diviser pour mieux régner » appliquée à la classe ouvrière britannique, mais nos différentes analyses de cet exemple suivent des directions variées, séparées par des siècles et par des océans25. À la lecture de cet article, quelques-unes des différences entre les premiers historiens américains critiques de la blanchité deviendront claires, en particulier concernant l’usage de la psychanalyse. Toutefois, il s’agit bien de différences entre marxistes, et non de différences entre le marxisme et les cultural studies. Comme le dit Igniatiev à propos de son travail, du mien, de celui de Saxton et d’Allen, « ce que ces travaux ont en commun […], c’est de prendre la lutte des classes comme point de départ » – la lutte des classes, comme nous le verrons, telle qu’elle a été pensée particulièrement à une époque où le travail des marxistes noirs était particulièrement apprécié26.
L’historien de Princeton Sean Wilentz nous a fait un beau compliment, gâché seulement par son dédain et son mépris, en qualifiant l’étude critique de la blanchité de « nationalisme noir par d’autres moyens27 ». Certains des auteurs ci-dessus ne seraient peut-être pas d’accord avec la terminologie exacte, par souci de distinguer entre nationalismes étroits et révolutionnaires ou même de noter le caractère étroit de tout nationalisme. Mais quels que soient les termes qu’on utilise, de manière générale, l’impact des luttes et de la pensée afro-américaines, particulièrement à l’époque du Black Power, a formé l’étude critique de la blanchité de manière décisive. Soudain, il y avait une « gauche blanche », nommée comme telle, et acquérant même une conscience d’elle-même et une autocritique. Les discours sur le Black Power du milieu des années 1960, après les déclarations du Student Non-violent Coordinating Committee (SNCC) sur le besoin d’une organisation contre la suprématie blanche par les radicaux blancs, et surtout après la mobilisation énorme des ouvriers noirs de l’industrie à Detroit et ailleurs, sont les conditions de possibilité qui ont permis, à la fin des années 1960, qu’un pamphlet tel que l’intervention d’Allen Can White Radicals be Radicalised ? soit écrit et lu. Il y avait, comme l’a très justement dit Ignatiev au début des années 1970, une « guerre civile de l’esprit » chez certains ouvriers blancs, en réaction à l’énergie et au succès des luttes ouvrières noires28.
L’idée, comme le dira plus tard Ignatiev, que « pour leur survie, les victimes directes du privilège blanc l’ont toujours étudié », est devenue particulièrement puissante dans ce contexte de début de prise de conscience de la gauche blanche, et d’un travail commun, trop souvent ignoré, parmi les radicaux noirs et blancs pendant la période Black Power29. Ce qu’Ignatin, puis moi, avons trouvé dans l’exemple et les écrits de C.L.R. James, c’était une insistance sur le fait que les luttes d »émancipation des afro-américains n’étaient pas séparées ou accessoires par rapport à la question du conflit de classe. C’est devenu un argument important pour la nécessité d’encourager les ouvriers blancs à soutenir la libération noire comme faisant partie de leur lutte30. L’approche par le lien entre immigration et blanchité, et par le fait que certains immigrants européens, pauvres et détestés, sont « devenus blancs » aux États-Unis, vient quant à elle principalement des essais de James Baldwin. La plupart de ces essais sont rassemblés dans The Price of the Ticket, dont le titre fait le lien entre la blanchité, l’immigration et la misère aux États-Unis. Mais pour ce qui est de fournir une « trame » à l’histoire racialisée de l’immigration, c’est le texte court, incisif et populaire de James Baldwin, On Being White and Other Lies, paru en 1984 dans la revue de mode afro-américaine Essence qui nous a donné la formulation décisive : « Les hommes blancs, de Norvège, par exemple, où ils étaient norvégiens, sont devenus blancs en tuant le bétail, en empoisonnant les puits, en incendiant les maisons, en massacrant les populations indigènes, en violant les femmes noires ». Toutefois, si ce récit dramatique avait besoin d’autre chose – par exemple, de mettre l’accent sur le sens et la pratique de la race chez les Irlandais en Irlande et dans l’Empire britannique avant leur départ outre-Atlantique – il distillait une vérité qui ouvrait un espace intellectuel immense dans l’histoire de l’immigration. Ignatiev, qui a porté l’article d’Essence à mon attention, est celui qui a le mieux investi cet espace avec son How the Irish became White31.
Comprendre Du Bois
Ces liens entre la pensée afro-américaine, le Black Power, et l’histoire critique de la blanchité étaient particulièrement polarisés par de multiples lectures du grand penseur et militant afro-américain W.E.B. Du Bois. Son Black Reconstruction in America, interprétation classique de l’histoire du Sud après la guerre de Sécession sous l’angle de la lutte des classes, a fourni aux auteurs qui l’ont suivi à la fois la terminologie et le modèle avec lesquels entreprendre leur tâche. Ainsi, le terme « point aveugle blanc », utilisé pour la première fois par Ignatin et Allen dans leur pamphlet de 1969, modifie une citation de l’ouvrage de Du Bois ; en intitulant son article sur la race et la dynamique de l’usine Black Worker, White Worker, Ignatin renvoie aux deux premiers chapitres du chef d’œuvre de Du Bois, la première œuvre à soulever la problématique de l’« ouvrier blanc ». L’idée même du « salaire de la blanchité » vient de la phrase mémorable dans Black Reconstruction sur le « salaire public et psychologique » accordé aux pauvres sudistes blancs après la guerre de Sécession, leur conférant un privilège tout en les maintenant dans la misère et la discipline. Comme le disait Ignatiev dans un texte de 2003 publié dans Historical Materialism, « parmi les intellectuels, c’est W.E.B. Du Bois, le premier, qui a attiré l’attention sur le problème de l’ouvrier blanc32. »
Au sein du Parti communiste et de son réseau de relations avec les organisations afro-américaines, Saxton et Allen ont été confronté aux idées de Du Bois, à l’époque inaccessibles au milieu universitaire blanc, notamment pendant la période après la Seconde Guerre mondiale, quand la répression anticommuniste a cherché à cibler et à marginaliser Du Bois. Il se trouve que Saxton avait grandi dans la même ville (Great Barrington dans le Massachussets) et fréquenté la même université que Du Bois. Pourtant, comme Saxton l’écrirait plus tard, aucun des deux lieux ne lui a appris quoique ce soit sur ce dernier. « Ce que j’ai appris sur Du Bois, affirme-t-il, je l’ai appris du Parti communiste », dont le responsable de littérature lui a vendu un exemplaire de Black Reconstruction à une époque où cette œuvre était largement ignorée.
De même, la longue expérience de Theodore Allen au sein du Parti lui a conféré une connaissance suffisante de l’œuvre de Du Bois pour en faire la base de sa réécriture de l’histoire des États-Unis à partir des années 196033. Comme le militant syndical et historien Jeff Perry, exécuteur littéraire de Theodore Allen, l’a noté après la mort de ce dernier, Black Reconstruction a informé la conception de tous les écrits historiques d’Allen, en particulier ses tentatives, dans les années 1960, de dépasser le « point aveugle blanc » dans son étude de la guerre de Sécession, le populisme et la Grande Dépression. En réaction à ce qu’il identifiait correctement comme un désintérêt injuste des universitaires envers Invention of the White Race vers la fin de sa vie, Allen a trouvé du réconfort dans l’idée que cette dynamique faisait penser à l’attitude « blancho-centrique » qui a accueilli Black Reconstruction de Du Bois. C’est Allen qui a introduit Ignatin à Black Reconstruction34.
Ma propre expérience des études avec Sterling Stuckey, le grand expert afro-américain de l’œuvre de Du Bois, du nationalisme noir et de la classe, m’ont amené à lire et relire Black Reconstruction constamment. Plus largement, au moment de rassembler les textes de l’anthologie Black on White : Black Writers on What It Means to Be White, au moins deux tiers des textes choisis venaient de lectures classiques de l’histoire afro-américaine réalisées avec Stuckey. On a souvent remarqué que Black Reconstruction de Du Bois avait inspiré le titre de Wages of Whiteness, mais plus que cela, cette œuvre a donné à mon livre sa structure.
Ce qui a rendu Du Bois si indispensable, c’est son aptitude à percevoir la profondeur des mouvements et la persistance des structures concernant la race – à placer l’activité de l’ouvrier noir et la blanchité de l’ouvrier blanc au centre même de l’histoire des États-Unis. Quand, par exemple, Ignatiev a entrepris de comparer le travail de Du Bois sur la Reconstruction avec les analyses plus connues d’Eric Foner, il a insisté sur l’idée qu’une « grève générale des esclaves » – si décisive, chez Du Bois, dans sa façon de voir la guerre et l’émancipation, et si attenuée chez Foner – rendait les deux œuvres qualitativement différentes. La centralité de l’autoémancipation des esclaves était en jeu, ainsi que la reconnaissance du fait que ce mouvement créait la possibilité, pour les ouvriers blancs, d’aspirer à autre chose qu’à n’être simplement « pas des esclaves ».
Dès les premières lignes, Du Bois insiste sur le fait que Black Reconstruction relevait du théâtre ; plus loin dans le texte, que le livre relève de la tragédie. Du Bois met les ouvriers noirs au centre de tout, comme étant « le vrai problème ouvrier moderne ». L’émancipation a mené à « une ascension du travail blanc », mais elle a été suivie par des réaffirmations de la suprématie blanche. Dans une des nombreuses formulations qui montrent que Du Bois fait le lien entre les origines de la race et le capitalisme, sans adopter le point de vue peu réaliste que la suprématie blanche ne pouvait pas être un facteur décisif de la domination de classe, il écrit que « la caste raciale fondée et retenue par le capitalisme », pendant et après la Reconstruction, a été « adoptée, promue et approuvée par les ouvriers blancs ». Dans le Sud d’après la guerre de Sécession, et dans le monde plus généralement, « quand les ouvriers blancs ont été convaincus que la dégradation du travail noir était plus fondamentale que l’élévation du travail blanc, la fin était proche35. »
En essayant d’expliquer pourquoi le travail blanc acceptait – voire plus – de telles tragédies, tout en ne pouvant « discerner chez eux aucune partie de notre mouvement de travailleurs », Du Bois a écrit le passage qui donnerait son titre à Wages of Whiteness. Ce passage s’ouvre sur la reconnaissance du fait que le groupe en question, les travailleurs blancs du Sud pendant la Reconstruction, « recevaient un salaire bas », comme c’est le cas dans une région dévastée par une défaite. Toutefois, ils étaient « en partie rétribués par une sorte de salaire public et psychologique […] parce qu’ils étaient blancs ». La déférence publique et les titres de courtoisie « leur étaient nombreux, ainsi que l’admission aux parcs et aux meilleures écoles ». La police « venait de leurs rangs », et les structures juridiques, « dépendant de leurs votes », les protégeaient de la prison. L’affranchissement des esclaves n’a eu « qu’un effet minime sur la situation économique », mais un effet important sur la perception de la dignité, ajoute Du Bois, dressant une liste d’éléments touchant à la politique et à la psychologie36.
On m’a objecté que le fait de traiter le « salaire de la blanchité » en grande partie comme un facteur psychologique conduisait à ignorer les avantages matériels qui lui sont liés : ainsi Ignatiev a-t-il déclaré que je prenais peut-être pour acquises les dimensions matérielles. C’est assez vrai, mais cela s’applique aussi aux tentatives de Du Bois de montrer comment fonctionnait un système quand les ressources des dirigeants étaient si maigres qu’il n’était pas possible d’acheter grand monde. Par ailleurs, ma propre tâche consistait à décrire une situation – le Nord d’avant la guerre de Sécession – où la petite taille de la population noire signifiait que le marché du travail ne pouvait pas être fondé entièrement par la concurrence raciale ni sur la segmentation, et où les appels psychologiques, politiques et culturels envers les blancs avaient bien plus d’importance que leurs intérêts économiques immédiats. Ignatiev a plutôt raison de considérer que ce n’était pas toujours, ni partout, le cas.
Dans tous les cas, la critique principale venant de l’extérieur du marxisme a été d’ordre tout à fait différent, et sa radicalité nous a peut-être aidés, Ignatiev et moi-même, à voir à quel point nos positions étaient proches, sur un spectre politique plus large. Arnesen, après une tentative peu enthousiaste de développer et de situer les idées de Du Bois sur « le salaire public et psychologique », a soudain changé de direction dans un article paru dans la revue International Labor and Working Class History, pour faire de Du Bois le problème. De prime abord – son écriture est d’une clarté exceptionnelle – il semble accuser l’étude de la blanchité d’adopter une lecture superficielle et décontextualisée de Du Bois, mais par la suite, il accuse Du Bois d’incarner une sorte de « marxisme light » idiot. Il s’avère ensuite que le côté « light » consiste à adhérer à l’idée que les ouvriers auraient des intérêts en commun, ce qui n’est pas vraiment une des idées les moins centrales du marxisme37.
Même si nos positions ont parfois pu diverger, il semble certain que Saxton, Allen, Ignatiev et moi-même tenions pour acquis que l’intervention de Du Bois au niveau du marxisme était tout sauf « light ». Dans un article publié dans Radical America en 1970 intitulé « W.E.B. Du Bois and American Social History : The Evolution of a Marxist », Paul Richards a décrit Black Reconstruction comme nous l’aurions tous fait, pas simplement comme un ouvrage marxiste mais comme un ouvrage central dans le développement de tout marxisme américain. Ce présupposé était tellement acquis que, dans la structure de Wages of Whiteness, mon usage de Du Bois a pu prêter à confusion : je m’y référais en effet après avoir consacré un chapitre aux déficiences d’une grande partie de la pensée marxiste. Je n’aurais jamais imaginé que Du Bois puisse être considéré comme « post-marxiste », encore moins comme du « marxisme Light » : je tenais pour acquis que Black Reconstruction développait une théorie marxiste plutôt que de s’en éloigner ou de la rabaisser. Cette position coulait de source chez les auteurs des premières histoires critiques de la blanchité, mais elle a malheureusement été mal comprise par le grand public et avec le passage du temps38.
Marxisme et psychanalyse
Un point commun des critiques dérivant vers la droite, comme Arnesen, et des critiques de gauche comme Gregory Meyerson39, c’est leur dénigrement des analyses psychanalytiques. Mais là encore, les débats devraient reconnaitre que l’usage des idées de Freud et d’autres psychanalystes dans Wages of Whiteness vient du marxisme et des traditions révolutionnaires noires.
Quelques mots sur le grand politologue et psychanalyste marxiste Michael Rogin peuvent éventuellement servir de point de départ. À la sortie de Wages of Whiteness, même avec l’exemple de Rise and Fall of the White Republic de Saxton sous la main, je craignais que mon travail ne transgresse les barrières de l’acceptabilité ou même de l’intelligibilité, et ne soit attaqué de toute part. Alors que mon travail était encore peu chroniqué, Rogin m’a envoyé une ébauche de son article sur le livre, qui devait apparaître dans Radical History Review. Je ne le connaissais pas encore personnellement, seulement son travail extraordinaire. La longue et généreuse chronique qu’il a écrite m’a rassuré sur la réception du livre – il résumait d’ailleurs plus clairement et plus originalement mes arguments que je ne l’avais moi-même fait. Mais un problème demeurait : tout au long de l’article, une douzaine de fois au total, il a orthographié mon nom « Roedinger ». Après quelques hésitations, je l’ai contacté pour le remercier, et en espérant que l’erreur puisse être corrigée. Il m’a répondu avec enthousiasme que je devrais prendre l’erreur comme un compliment, une tentative d’intégrer toutes les lettres de son nom dans le mien, lui donnant la paternité de mon livre.
Cette réponse soulignait ce que je savais déjà, à savoir que Rogin prenait la psychanalyse plus au sérieux que moi. Mais elle m’a aussi renvoyé à son Fathers and Children : Andrew Jackson and the Subjugation of the American Indian, dont je me rappelais principalement pour sa « psychohistoire », mais qui déployait aussi, de manière révélatrice, des catégories marxistes comme celle de l’accumulation, et qui comprenait une longue première partie (environ un tiers de l’ouvrage) intitulé « Blanc ». En ce sens, Rogin prétendait justement, au niveau des méthodes (y compris le matérialisme historique) et du contenu, être le « père » de l’histoire critique de la blanchité. Pendant les études de Saxton à Berkeley, Rogin, qui a été par la suite un chercheur majeur sur la blanchité et l’immigration, a été un de ses mentors40.
Alors que, comme de nombreux jeunes chercheurs de la Nouvelle Gauche, je lisais les tentatives, accomplies par des auteurs comme Herbert Marcuse, Norman O. Browne, Juliet Mitchell, Eli Zaretsky, Wilhelm Reich et surtout Frantz Fanon, pour concilier Freud et Marx, la possibilité spécifique d’appliquer les analyses de ces auteurs à la race dans l’histoire des États-Unis m’est surtout venue de la lecture des derniers chapitres de From Sundown to Sunup : The Making of the Black Community de George Rawick. Ici, Rawick s’éloigne de son histoire classique de l’esclavage pour étudier plus largement le racisme moderne, en particulier dans ses phases initiales, après la « découverte » des Amériques par l’Europe et l’expansion du commerce esclavagiste avec l’Afrique. Pendant cette transition vers le capitalisme, explique Rawick, les différentes répressions du désir nécessaires pour former des sociétés et des personnalités dévouées à l’accumulation du capital ont eu un coût humain énorme. Chez les esclavagistes et les propriétaires d’esclaves coloniaux en particulier, le racisme blanc a été développé, même inventé, par de telles répressions.
Les Africains, rencontrés et transformés en marchandises lors du développement de l’économie de plantation, ont été progressivement vus comme l’incarnation non seulement d’un travail approprié, mais aussi des désirs seulement récemment – et partiellement – réprimés des élites. Dans l’organisation de leurs propres illusions et désirs, les élites imaginaient les ouvriers noirs à la fois comme dégradés et possédés par des liens à la nature, à l’érotisme, et à des rythmes de travail précapitalistes, qui conservaient leur attrait alors mêmes qu’ils étaient déplorés. Dans une phrase mémorable de Rawick, lors de ces interactions, « l’Anglais rencontrait l’Africain de l’Ouest comme un pêcheur réformé rencontre un ancien camarade de débauche », tout en créant « une pornographie de sa vie passée ».
Rawick, qui, comme ami et mentor, m’a beaucoup appris sur le marxisme dans les années 1970 et 1980, s’appuyait pour avancer ses arguments clés sur Marcuse, Fanon, Freud, et particulièrement sur l’associé autrichien marxiste de Freud, Wilhelm Reich. Le travail de Reich à l’époque nazie consistait à interpréter la « psychologie de masse du fascisme » en la rapportant à des structures caractérielles liées à l’internalisation et à l’expression de la misère. Selon Rawick, L’analyse caractérielle de Reich était un « grand classique de la pensée moderne underground » ; Rawick soutenait que sa propre analyse de l’idéologie dominante et suprémaciste blanche « n’aurait pas pu voir le jour sans la tentative monumentale [de Reich] de lier Marx et Feud ». Rawick, qui dans les années 1950 était ami du psychanalyste Erich Fromm, l’associé socialiste de Reich, a pris des risques énormes en s’appuyant autant sur la psychanalyse. Certes, C.L.R. James, dont Rawick a été l’assistant personnel dans les années 1960, a trouvé que From Sundown to Sunup était « la meilleure chose [qu’il ait] lue sur l’esclavage », prédisant que l’œuvre « ferait époque ». Mais même James a manifesté une grande insatisfaction face à l’analyse freudienne des derniers chapitres. Notons toutefois que ces risques n’étaient pas étrangers au marxisme lui-même41.
Dans l’analyse peut-être trop simple que je développe dans Wages for Whiteness, j’ai replacé le travail de Rawick sur la race, l’esclavage et les débuts du capitalisme dans le contexte de la classe ouvrière nordiste pendant la période de formation de classes avant la guerre de Sécession. Alors que la prolétarisation a causé de nouvelles pertes d’accès aux communs et de nouvelles formes de règlementation du temps et de restrictions sociales pour un plus grand nombre de personnes, les ouvriers blancs ont supporté cette perte en projetant sur les ouvriers noirs ce qu’ils continuaient à désirer en termes d’absence imaginée d’aliénation, alors même qu’ils supportaient mal d’être traités en « nègres blancs42 ».
Je ne me suis pas inspiré que de Rawick, j’étais également devenu proche du mouvement surréaliste, où coexistaient fidèlement les travaux de Marx et de Freud. À travers des débats amicaux avec les auteurs surréalistes Paul Garon et Franklin Rosemont notamment, j’en ai appris de plus en plus sur les premières œuvres d’Otto Fenichel sur le racisme, l’organisateur important d’un réseau mondial de psychanalystes marxistes, ainsi que Sandor Ferenci, ainsi que le travail plus récent de Joel Kovel43.
J’en suis aussi arrivé à comprendre que la psychanalyse était là depuis le début, dès le choix de Du Bois de placer un salaire spécifiquement « psychologique » au centre de l’identité blanche. La recherche récente, très utile, sur Du Bois et la psychanalyse, a tendance à dresser trop facilement des connexions entre la « double conscience » et les idées de Freud. Toutefois, comme Du Bois n’avait pas lu Freud quand il a écrit ses textes sur la « double conscience » dans The Souls of Black Folk en 1903, de telles affinités n’ont pu exister qu’à un niveau très abstrait, en tant qu’idées qui émergeaient parmi ses contemporains intellectuels44.
Comme l’écrit Du Bois dans Dusk of Dawn, son autobiographie parue en 1940, c’est à peu près en 1930 que « le sens et les implications de la nouvelle psychologie avaient commencé à pénétrer dans ma pensée. Ma propre étude de la psychologie […] datait d’avant la période freudienne, mais elle m’y a préparé. J’ai commencé à me rendre compte que, dans la lutte contre le préjugé de race, nous n’étions pas simplement face à la détermination rationnelle et consciente des blancs de nous opprimer ; nous étions face à d’anciens complexes, à présent enfouis au niveau de l’habitude inconsciente et de la pulsion irrationnelle45.
En 1935, à mi-chemin entre cette prise de conscience et Dusk of Dawn, Du Bois a publié Black Reconstruction, ouvrage dans lequel l’expression « salaire psychologique » n’a donc pas pu être utilisée à la légère. En un sens, donc, le critique Andrew Hartman, bien que sans sympathie aucune pour l’approche freudienne, n’a pas tout à fait tort lorsqu’il dit, en exagérant un peu, que « Roediger pousse plus loin la psychanalyse de Du Bois », même si je n’en savais pas assez, ni sur Du Bois, ni sur Freud, pour percevoir cette dimension lors de la rédaction. En résumé, et étant données ces multiples influences marxistes, Bruce Laurie ne pourrait pas avoir plus tort lorsque dans son essai récent, il fait un lien entre l’usage de la psychanalyse dans mon travail, et les exemples fournis par l’historien conservateur sudiste David Donald46.
Comme James face aux écrits de Rawick, certains des premiers auteurs d’histoires critiques de la blanchité ont déploré les éléments de psychanalyse dans Wages of Whiteness. Allen, en particulier, a déploré le « recours au langage de la psychanalyse », bien qu’il n’y soit lui-même pas étranger, puisqu’il a largement salué le travail de Kovel et Fanon, bien que sur une base assez étroite, en disant par exemple, de façon improbable, que Fanon « part de prémisses marxistes économiquement déterministes ». Quant à Saxton, son jugement ferme a été que « les difficultés semblent particulièrement sévères pour la psychohistoire, à cause de sa supposition que les vraies causes sont psychiques, et ne sont accessibles qu’à travers des interprétations métaphoriques47. »
Cette position impressionne tellement Hartman que son texte défend l’idée selon laquelle Saxton est le meilleur historien de la blanchité, ce avec quoi je suis d’accord ; même chose chez Eric Arnesen, qui exonère Saxton de toute participation à ces maudites études de la blanchité. Toutefois, les déclarations catégoriques de Saxton font partie de son explication des raisons pour lesquelles la psychanalyse ne peut pas révéler les origines de la suprématie blanche – point de vue avec lequel je suis encore une fois d’accord. Plus loin dans son texte, il parle des opinions de John Quincy Adams sur Othello d’une manière très différente, et explique : « Je mets bien sûr en avant un argument rejeté auparavant, qui prétend que les Américains blancs d’origine européenne construisaient des métaphores liant la négritude des Africains à des actions honteuses et aux sombres passions de la sexualité. » Il poursuit : « Bien que je ne considère pas cet argument [psychohistorique] comme étant très persuasif pour expliquer les débuts de l’esclavage africain, il semble fonctionner de manière plausible quand on le place dans une relation de dépendance avec des productions idéologiques existantes ». Là encore, c’est une position avec laquelle je suis d’accord48.
Cependant, Ignatiev a trouvé que Wages of Whiteness perd de vue les « avantages matériels » sans lesquels il n’y aurait pas, de manière consistante, de « valeur psychologique de la peau blanche ». Mais il ajoute : « je n’en sais pas assez long sur la psychanalyse pour juger de ce qu’elle est capable d’expliquer toute seule ». Rogin, Rawick et Rosemont, par contre, ont tout à fait défendu l’usage de la psychanalyse, mais pas toute seule. Comme bien d’autres, cette question créee des divergences entre les marxistes, bien qu’elles ne soient pas aussi importantes que certaines analyses des premières histoires critiques de la blanchité le laisseraient à entendre49.
Passé et présent
Pour conclure, il me semble pertinent de clarifier ce que j’avance dans cet article et de faire quelques remarques sur le domaine des recherches sur la blanchité aujourd’hui, et l’impact de ses origines radicales, toujours d’actualité même s’il est diffus. Mon argument est que la gauche marxiste a fourni les premières analyses les plus influentes de la blanchité dans l’histoire des États-Unis. Je ne prétends pas ces œuvres sont complètes ou correctes par la vertu mécanique de leurs origines historico-matérialistes. D’ailleurs, nombre de leurs lacunes, en particulier dans mon travail, peuvent être liées à leur ancrage dans les débats et mouvements spécifiques que j’ai résumé dans ce texte. Un exemple de ces lacunes : le manque relatif d’intérêt à la question du genre, qu’Allen n’a mentionnée que vers la fin de sa vie. J’ai tâché tant bien que mal de remédier à ce point aveugle dans Wages of Whiteness, mais jusqu’à présent, je l’ai fait par ajouts plutôt qu’en remettant fondamentalement en cause mon analyse de l’ensemble des rapports sociaux.
Nous serions peut-être dans une meilleure position si nous avions suivi le modèle de James Baldwin sur la psychanalyse, avec ses riches dimensions de sexualité et de genre, en même temps que la race, ainsi que l’invocation de la psychologie de Du Bois. De même, comme le suggère mon échange avec Rogin, les débats marxistes classiques fonctionnent plus aisément en liant la blanchité à l’esclavage plutôt qu’au colonialisme de peuplement, un autre problème que je commence à peine à traiter dans mon travail50. De même, il semble possible qu’une attention particulière portée à la manière dont racisme s’est diffusé parmi les ouvriers blancs nous ait poussé à laisser de côté la relation entre blanchité, capital et patronat51. Mais, si profondes que soient ces lacunes, et même si, en tant que marxistes, elles peuvent nous amener à penser que nous en avons beaucoup à apprendre d’autres théories, il reste que les erreurs et les forces considérables des premières histoires critiques de la blanchité sont venues du marxisme, à des moments politiques spécifiques.
Des travaux historiques plus récents sur la blanchité dans l’histoire des États-Unis viennent d’un contexte politique très différent. Comme je l’expose assez longuement dans mon texte de 2006 « Whiteness and its Complications », beaucoup de travail récent sur la race aux États-Unis peut être compris comme reflétant des tendances académiques. Cette recherche a beaucoup à apprendre à ceux d’entre nous qui écrivent depuis une perspective marxiste, et elle a souvent beaucoup appris de nous52. Par exemple, le travail important de Thomas Guglielmo sur les Italo-Américains et la blanchité s’origine dans sa défense de l’affirmative action, tout comme le meilleur texte sur la blanchité des années 1990, Whiteness as Property53, de Cheryl Harris. Les intellectuels radicaux qui utilisent l’étude critique de la blanchité, magnifiquement, comme un élément de leurs œuvres ambitieuses cherchant à comprendre une classe ouvrière multiraciale, ont pris les devants en explorant de nouveaux chemins. En effet, les succès de Moon-Kie Jung avec son étude de Hawaï, Phylis Cancilla Martinelli et son étude de l’Arizona, l’étude de l’Oklahoma par David Chang, et l’étude des ouvrières italiennes immigrées de Jennifer Guglielmo, couvrant des lieux de production, des luttes et des communautés d’une diversité époustouflante, suggèrent tous que, de la même manière que l’étude critique de la blanchité est sortie des études éthniques, sa démarche la plus pertinente est finalement d’y retourner, vu que ses recherches ne doivent pas se focaliser sur une seule race54. Le travail récent qui reflète le plus mon influence développe une compréhension bien plus profonde du genre comme partie intégrante de la formation raciale et de classe55. En plus du travail de Krikler sur l’Afrique du Sud, il existe aussi de nouvelles œuvres passionnantes sur la blanchité dans le Pacifique, reflétant des influences allant du marxisme américain à Gerald Horne, en passant par les engagements pro-indigènes et pro-immigrants d’Aileen Moreton-Robinson, Marilyn Lake et Henry Reynolds56. Si l’histoire critique de la blanchité est sortie d’un petit monde de marxistes américains, elle continue à avoir un impact beaucoup plus divers et beaucoup plus large. Comme ce monde plus large, elle a besoin de nouvelles luttes, de nouveaux mouvements, ainsi que des nouvelles idées qui en émergent.
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Article originellement paru dans Wulf D. Hund, Jeremy Krikler, David Roediger (dir.), Wages of Whiteness and Racist Symbolic Capital, Lit Verlag, Londres, 2011, sous le titre « Accounting for the Wages of Whiteness. U.S. Marxism and the Critical History of Race ». Publié ici avec l’aimable autorisation de l’auteur.
Traduit de l’anglais par Jennifer Ewing
- Nell Irvin Painter, The History of White People p. 388 [↩]
- Cf. David Roediger, Black on White pp. 1-26; Toni Morrison: Playing in the Dark; Cheryl Harris: Whiteness as Property [↩]
- Margaret Talbot : « Getting Credit for Being White », pp. 116-119. [↩]
- David Horowitz: Ethnic Studies or Racism ; Chris Weinkopf : Whiteness Studies [↩]
- Eric Arnesen: Passion and Politics pp.340-f.; Eric Arnesen: Paler Shade of White p. 33 et ssq. [↩]
- Cf. Alexander Saxton, Rise and Fall of the White Republic; Theodore Allen, The Invention of the White Race; Venus Green, Race on the Line; Michael Rogin, Blackface, White Noise; George Lipsitz, The Possessive Investment in Whiteness; Bruce Nelson, Divided We Stand; Karen Brodkin, How Jews Became White Folks. [↩]
- Brian Kelly, Introduction, p. xxix, x et x1 (« critique », « anti-materialisme » et « idealisme »). [↩]
- Andrew Hartman, Rise and Fall, pp. 23, 26 et passim; John Munro, Roots of ‘Whiteness’, pp. 175-192; Eric Arnesen, A Whiter Shade of Pale, pp. 33 ff. (« pseudo »). [↩]
- Peter Kochlin, Whiteness Studies, pp. 156, 159, 166 et passim. [↩]
- Voir Alexander Saxton, Rise and Fall, pp. xiii-xviii; Robert Rydell, Grand Crossings, pp. 263-285; Alexander Saxton, The Great Midland, pp. xv-xxx et Josephine Fowler, interview transcrite avec Alexander Saxton, passim, pour des détails sur la vie et l’œuvre de Saxton. [↩]
- Alexander Saxton, The Great Midland, pp. xvii [↩]
- Alexander Saxton, In Dubious Battle, p. 260, n.20. [↩]
- Cf. Robert Rydell, Grand Crossings, p. 280 et passim; Alexander Saxton, The Indispensible Enemy et Rise and Fall of the White Republic. [↩]
- Jeffrey Perry, In Memoriam, p.3 (‘prolétarisé’), cf. ibid., pp. 1-4; Jonathan Scott, Introductory Notes on Theodore Allen’s ‘Base and Superstructure and the Socialist Perspective’, pp. 77. [↩]
- Cf. Michael Staudenmaier, Revolutionaries Who Tried to Think, pp. 7 ff; Jeffrey Perry, In Memoriam, pp. 4-8; Michael Staudenmaier, The White-Skin Privilege Concept. [↩]
- Noel Ignatin, Black Workers, White Workers, pp. 40, 47 et 41-60; Michael Staudenmaier, Unorthodox Leninism, passim; id, Revolutionaries Who Tried to Think, pp. 11-27 et 31-37. [↩]
- Cf. David Roediger, Wages of Whiteness, p. 17, n. 34 et Eric Arnesen, Whiteness Studies and the Historians’ Imagination, p.4; sur Laclau et Mouffe, cf. Sharon Smith, Race, Class, ‘Whiteness Theory’ au lien http://isreview.org/issues/46/whiteness.shtml et Roediger, Wages of Whiteness, p. 17, n.28. [↩]
- David Roediger, Wages of Whiteness, pp. 9, 95. [↩]
- Cf. Jeremy Krikler, Lessons from America; Allison Drew, David Binns, Prospects for Socialism in South Africa. [↩]
- Cf. le site de Bruce Nelson, http://www.dartmouth.edu/~history/faculty/nelson.html; Venus Green, Race on the Line, pp. ix ff. [↩]
- George Lipsitz, Conversations with Scholars of American Popular Culture, p. 4; Karen Brodkin, Studying Whiteness, pp. 1 ff; Karen Brodkin Sacks, Caring by the Hour. [↩]
- Noel Ignatin, Black Workers, White Workers, p. 47; pour le precedent, voir Franklin Rosemont, Surrealism. [↩]
- Cf. Alexander Saxton, Rise and Fall of the White Republic. [↩]
- Cf. Theodore Allen, On Roediger’s Wages of Whiteness, pp. 1-27 et Gregory Meyerson, Marxism, Psychoanalysis and Labor Competition, passim. [↩]
- Cf. Noel Ignatin, White Blindspot, p. 9; Noel Ignatiev, How the Irish Became White, passim; David Roediger, Wages of Whiteness, pp. 133-163; Theodore Allen, Invention of the White Race, vol. 1, pp.152-158. [↩]
- Noel Ignatiev, Whiteness and Class Struggle, p. 228. [↩]
- Wilentz, cité dans Margaret Talbot, « Getting Credit for Being White », p. 119. [↩]
- Noel Ignatiev, Black Workers, White Workers, p. 42. [↩]
- Noel Ignatiev, Whiteness and Class Struggle, p. 228. [↩]
- Cf. Scott McKernee (ed.), C.L.R. James sur la ‘Question Nègre’, passim. [↩]
- David Roediger (ed.), Black on White, pp. 177 f. (‘Norvégiens’); voir James Baldwin, The Price of the Ticket: Collected Nonfiction, pp. xix, 409-414, 425-433, 667-675; Noel Ignatiev, ‘Whiteness’ and American Character, Noel Ignatiev, How the Irish Became White. [↩]
- Noel Ignatin, White Blindspot; Noel Ignatiev, The American Blindspot, p. 243 et passim; Jeffrey Perry, In Memoriam, p. 4; David Roediger, Wages of Whiteness, p. 12; W.E.B. Du Bois, Black Reconstruction in America, pp. 3-31 et 700 f. (« salaire public et psychologique »); Noel Ignatiev, Whiteness and Class Struggle, p. 227 (« le premier qui a attiré l’attention »). [↩]
- Cf. Alexander Saxton, The Great Midland, p. xxiv; Noel Ignatiev, The American Blindspot, p. 250. [↩]
- Jeffrey Perry, In Memoriam, p. 4 ; Jonathan Scott, Gregory Meyerson, An Interview with Theodore W. Allen, pp. 1; Noel Ignatiev, The American Blindspot, p. 243, n.1. [↩]
- W.E.B. Du Bois, Black Reconstruction in America, pp. 3 et 727 (« théâtre », « tragédie »), 16 (« problème moderne du travail »), 30, (« l’élévation », « la caste de couleur »), 347 (« dégradation ») ; cf. Noel Ignatiev, The American Blindspot, pp. 244 et passim. [↩]
- W.E.B. Du Bois, Black Reconstruction in America, pp. 700 f. ; pour le suivant voir Noel Ignatiev, Whiteness and Class Struggle, pp. 230 f.; David Roediger, Wages of Whiteness, pp. 6-12; Theodore Allen, On Roediger’s Wages of Whiteness¸ p. 7. [↩]
- Eric Arnesen, Whiteness and the Historians’ Imagination, pp. 9-11, surtout 10 (‘lite’); Paul Richards, W.E.B. Du Bois and American Social History, pp. 62 et 56-61. [↩]
- Paul Richards, W.E.B. Du Bois and American Social History, pp. 62 et 56-61; Andrew Hartman, The Rise and Fall of Whiteness Studies, p. 34 (‘post-marxiste’). [↩]
- Eric Arnesen, Whiteness and the Historians’ Imagination, pp. 21-23; Gregory Meyerson, Marxism, Psychoanalysis, and Labor Competition, passim; Frank Towers, Projecting Whiteness, pp. 47-57. [↩]
- Iain Boal, In Memoriam, passim, surtout sur les liens de Rogin aux mouvements radicaux ; Laura Mulvey, Professor Miachel Rogin ; Michael Rogin, Black Masks, White Skin ; id. , Fathers and Children, pp. xxxiv, 2f., 19-113 et 165-205; id., Blackface, White Noise; Robert Rydell, Grand Crossings, p. 279. [↩]
- George Rawick, Listening to Revolt, pp. xlii (la reaction de James), 102 (« pêcheur reformé »), 180, n.9 (sur la dette envers Reich) et 31, 66, 162, 93-119; en general, voir John Abrorneit, Whiteness as a Form of Bourgeois Anthropology. [↩]
- David Roediger, Wages of Whiteness, pp. 66-84; id.: Notes on Working Class Racism, pp. 61-67, qui explore des dettes spécifiques envers Rawick. [↩]
- David Roediger, Colored White, pp. 40 et 252. Sur Fenichel, voir Russel Jacoby, The Repression of Psychoanalysis. [↩]
- Peter Coviello, Intimacy and Affliction, pp. 2 et 3-37; Christina Zwarg, Du Bois on Trauma. Tout ce qui concerne Du Bois a bénéficié du travail de recherché de Donovan Roediger. [↩]
- W.E.B. Du Bois, Dusk of Dawn, pp. 295 ; Shannon Sullivan, On Revealing Whiteness, pp. 231 [↩]
- Andrew Hartman, Rise and Fall of Whiteness Studies, p. 35; Bruce Laurie, Workers, Abolitionists and the Historians, p. 36. [↩]
- Theodore Allen, On Roediger’s Wages of Whiteness, p. 9 (« déterminisme économique »); Alexander Saxton, Rise and iousFall of the White Republic, pp. xvi, 13 ; la citation suivante est de ibid. p. 89. [↩]
- Andrew Hartman, The Rise and Fall of Whiteness Studies, pp. 35 ; Eric Arnesen, Whiteness and the Historians’ Imagination, pp. 27, n. 4 et 31, n. 83. [↩]
- Noel Ignatiev, Whiteness and Class Struggle, pp. 230. [↩]
- Robyn Wiegman, Whiteness Studies and the Paradox of Particularity; Jonathan Scott, Gregory Meyerson, An Interview with Theodore W. Allen, pp. 3 ff. ; David Roediger, Colored White, pp. 103-137; id., How Race Survived U.S. History, pp. 12-29, 51-63 et 127 f. ; Jean-Paul Rocchi, Dying Metaphors and Deadly Fantasies, pp. 159-177. [↩]
- Elizabeth Esch, David Roediger, One Symptom of Originality. [↩]
- David Roediger, Whiteness and Its Complications, pp. B6-B8. [↩]
- Thomas Guglielmo, White on Arrival ; Cheryl Harris, Whiteness as Property. [↩]
- Moon-Kie Jung, Reworking Race ; Phyllis Cancilla Martinella, Undermining Race; David Chang, The Color of the Land; Jennifer Guglielmo, Living the Revolution. [↩]
- Paul Taillon, Good, Reliable White Men ; Jennifer Guglielmo, Living the Revolution. Guglielmo et Taillon ont tous les deux travaillé avec moi en tant qu’étudiants. [↩]
- Jeremy Krikler, White Rising ; Aileen Moreton-Robinson (ed.), Whiteneing Race; Marilyn Lake, Henry Reynolds, Drawing the Global Color Line. [↩]