[Guide de lecture] La logistique

La logistique fait aujourd’hui partie des enjeux cruciaux tant dans l’analyse du capitalisme et de sa restructuration mondiale que des résistances à lui opposer. La centralité des chaînes de production, d’approvisionnement, de commercialisation, ont transformé l’organisation du travail à l’échelle du monde, et imposent un modèle de production et de distribution basé sur la flexibilité et un monitoring constant des interactions entre les nœuds du réseau. Ce guide de lecture présente une littérature très riche sur la question, puisqu’il s’agit de donner à lire autant sur les reconfigurations en jeu que sur leurs causes profondes dans les crises et la logique du capital. Charmaine Chua offre également un aperçu saisissant des débats stratégiques sur le rôle que peuvent avoir les infrastructures dans une transition communiste.

[Guide de lecture] Le marxisme au Japon

Le Japon est certainement le pays non-occidental où le marxisme a connu au XXe siècle l’épanouissement théorique le plus saisissant, en milieu universitaire d’abord mais aussi en dehors. Pourtant, le marxisme japonais, « insularisé », reste au mieux rangé dans le cabinet des curiosités. Gavin Walker nous offre ici un aperçu synoptique sur son histoire, aussi ancienne et riche que méconnue, qui a vu se succéder reformulation de la « question nationale », débats sur la nature du capitalisme japonais et les voies de la révolution, théories et pratiques du soulèvement dans les campagnes et de la lutte armée, ou encore approches subjectives versus structurelles du capital. Se nourrissant d’un dialogue ininterrompu avec Le Capital de Marx, longtemps en prise immédiate avec les politiques du Komintern, puis de la Chine maoïste, le marxisme japonais n’était pas non plus sans entretenir des affinités avec les courants hétérodoxes de la tradition marxiste européenne. Ici comme ailleurs, un tel décentrement vient bousculer le grand partage entre le marxisme orthodoxe (soviétique) et le marxisme occidental, ouvrant d’autres espaces de pensée et d’action.

[Guide de lecture] Approches marxistes du crime

La criminologie est presque par définition la science de l’ennemi. Née à l’interface de la physiognomonie et d’une sociologie conservatrice, la criminologie a fait partie intégrante des dispositifs disciplinaires et savants, à l’encontre des plus pauvres et des marginaux. Ce guide de lecture donne à voir un corpus étendu, très méconnu en français, de la criminologie critique et marxiste. Ces approches entendent tant comprendre les ressorts de classe et de race des illégalismes que l’interpénétration entre le crime organisé et la classe dominante, mais aussi la coproduction institutionnelle des délits et de leur répression pénale, ou encore la délinquance des puissants. C’est donc un corpus à s’approprier d’urgence que nous décrit ici Grégory Salle, dans une époque où l’incarcération de masse et les illégalismes jouent un rôle structurant pour le capitalisme tardif.

[Guide de lecture] Aux marges de la révolution russe

Octobre 1917 est généralement envisagé comme un phénomène russe. Selon Eric Blanc, une telle focale s’avère trompeuse. Elle ne permet ni de saisir l’émergence, la théorie et la pratique du bolchevisme, ni de saisir la dynamique concrète ayant donné lieu à la révolution. Dans ce guide de lecture, Blanc annote de façon inédite un ensemble de références sur Octobre vu depuis les marges et les pays limitrophes : Géorgiens, Finlandais, Polonais, et bien d’autres sont à l’honneur et livrent un regard résolument décentré sur l’un des événements les plus décisifs du XXe siècle.

[Guide de lecture] Photographie

« [D]ans toute l’idéologie, les hommes et leurs rapports nous apparaissent placés la tête en bas comme dans une camera obscura » (Marx et Engels, L’Idéologie allemande). Dans cette célèbre métaphore, on peut rétrospectivement voir les prémices d’une tradition ininterrompue de problématisation marxiste du medium photographique. Véritablement initiée au lendemain de la Révolution de 1917 dans le sillage de l’avant-gardisme russe, avant d’être enrichie par l’apport du marxisme hétérodoxe venu d’Allemagne, elle s’est poursuivie dans les années 1970 avec le renouveau de la photographie ouvrière et le développement de conséquentes études théoriques et historiques, pour enfin prendre un nouvel essor en ce début de XXIe siècle dans le cadre d’une réflexion plus générale sur l’histoire croisée de l’art et du mode de production capitaliste. Rodtchenko, Tretiakov, Brecht, Benjamin, Kracauer, Berger, Spence, Rouillé, Nesbit, Sekula, Ribalta, voici quelques-uns des noms, parmi beaucoup d’autres, que l’on croisera dans ce foisonnant guide de lecture signé par Steve Edwards, qui témoigne de la vitalité et de l’irréductible hétérogénéité de la théorie-pratique matérialiste de la photographie.

[Guide de lecture] Les théories marxistes de l’impérialisme

Si les discussions sur la mondialisation du tournant des années 2000 et les prises de position qu’imposent aujourd’hui la répression internationale de la révolution syrienne nous ont appris quelque chose, c’est qu’il est impossible de critiquer le capitalisme sans prendre en compte la forme concrète sous laquelle il existe à l’échelle mondiale : l’impérialisme. Dans ce guide de lecture, Claude Serfati revient sur les théories classiques de l’impérialisme développées par Lénine, Boukharine, Hilferding, Luxemburg et Trotsky comme sur les renouvellements dont ces théories ont récemment fait l’objet dans les travaux de David Harvey, Ellen Meiksins Wood, Leo Panitch et Sam Gindin ou William Robinson. Il montre à quel point, malgré leurs divergences, ces travaux partagent une même sous-estimation du rôle du militarisme dans la structure impériale de l’espace mondial. Un militarisme dont la fonction n’est pas simplement d’assurer la domination de tel ou tel pays dans le système des États, mais aussi de réprimer les mouvements sociaux anticapitalistes et anti-impérialistes qui se développent à l’intérieur de chacun de ces États. Dans cette perspective, le slogan zimmerwaldien « l’ennemi est dans notre pays » n’a sans doute rien perdu de son actualité.

Sur la production de l’espace et quelques questions urbaines : tour d’horizon de la littérature anglophone

Le marxisme spatial et la géographie critique sont deux champs qui ont explosé ces dernières décennies, tant dans les études académiques que dans les agendas militants. Stefan Kipfer propose ici un guide de lecture étoffé, qui présente les traditions ayant contribué à cette effervescence. Loin de se limiter à une nouvelle « mode » théorique, les théories marxistes de l’espace plongent leurs racines dans les premières approches marxiennes de la ville, ainsi que dans les divers « marxismes urbains » ayant émergé dans l’après-guerre. Loin de se confiner au marxisme occidental et à ses figures iconiques (Benjamin, Debord), Kipfer entend donner une perspective mondiale à ce tour d’horizon de la littérature. Il montre l’importance, dans ce renouveau théorique, aux perspectives issues du tournant postcolonial et de l’écologie politique urbaine. Par ce truchement, les aspects urbains et spatiaux du marxisme donnent un cadre renouvelé pour aborder tant les enjeux de genre et de sexualités, de race, d’impérialisme, et font apparaître non plus seulement l’histoire, mais encore les métropoles capitalistes, leurs réseaux d’infrastructures, de transport et de logistique, comme nouvelle figure de la totalité sociale et du système à renverser.

[Guide de lecture] La lutte armée en France et en Europe

Le plus souvent, on aborde l’histoire de la lutte armée en France et en Europe par la fin, c’est-à-dire par l’enfermement de ses principaux protagonistes. Cette histoire se trouve alors réduite à un épisode marginal, aussi bref que malheureux, que les portraits des membres d’Action Directe ou de la RAF diffusés par la presse suffiraient à la fois à expliquer et à enterrer. À rebours de cette conception journalistique de l’histoire, Aurélien Dubuisson situe ici l’émergence des groupes armés dans l’explosion subversive de Mai 68 et dans la multiplicité des trajectoires militantes qui y convergèrent. De l’importation de la littérature sud-américaine de guérilla à la constitution européenne d’un front armé transnational en passant par la traduction occidentale du maoïsme et par le développement de tactiques d’autodéfense dans l’aire de l’Autonomie, il dresse la cartographie d’un Kampfplatz prolétarien dont ni les condamnations morales, ni la fétichisation romantique ne sauraient épuiser la richesse.

[Guide de lecture] Autonomies italiennes

Du soutien à la ZAD aux luttes contre les violences policières en passant par le mouvement « contre la loi travail et son monde » et l’antifascisme, l’ autonomie italienne des années 1970 est devenue la référence centrale d’une nouvelle constellation militante. La définition de cette « autonomie » est cependant pour le moins malaisée. On ne saurait en effet la circonscrire à des limites temporelles (1973-1977), organisationnelles (Potere Operaio, Lotta Continua, les groupes armés) ou stratégiques (le refus du travail et l’autovalorisation) sans en appauvrir le contenu. C’est pourquoi Julien Allavena et Azad Mardirossian proposent, dans ce guide de lecture sans équivalent en français, de saisir l’autonomie comme une pratique de masse. L’antagonisme ouvrier et le féminisme, les expérimentations contre-culturelles et les révoltes carcérales, les luttes urbaines, l’agitation étudiante et la lutte armée s’y composent en un archipel insurrectionnel dont l’hétérogénéité même dessine les contours d’un communisme en actes.

[Guide de lecture] Critique littéraire marxiste

Il est notoire qu’au cours de sa longue histoire, le marxisme a produit des théories de la littérature et des critiques littéraires majeures. Dans ce guide de lecture, Daniel Hartley propose une introduction générale à ces approches, en soulignant en particulier l’importance de l’étude de la littérature mondiale. Si les études littéraires sont aussi chères aux marxistes, c’est parce que la littérature médiatise des formes de sensibilité et de subjectivité historiques, qu’elles sont une méditation sur les traces du passé au sein même du présent, et qu’elles anticipent sur des affects ou des exigences futures. Au-delà de sa capacité à refléter la réalité, la littérature est dès lors un puissant réservoir de rêves, d’aspirations ou de fantasmes inaccomplis, un sédiment de l’affrontement des classes, une cristallisation du développement inégal et de la conflictualité du genre, de la race et de l’éthnicité.