Retour de l’usine : le territoire, l’architecture, les ouvriers et le capital

Comment penser aujourd’hui sous un même registre les luttes à Notre Dame des Landes, les grèves à Amazon, IKEA, les révoltes urbaines, ou encore les grèves parmi les travailleurs de Uber ? Dans ce texte, Vittorio Aureli propose d’analyser ces mouvements à travers l’histoire longue de la métropole capitaliste, son architecture, et le concept opéraïste de l’usine sociale. Faisant résonner Tronti avec Tafuri, l’auteur trace une généalogie des dispositifs de pouvoir de la ville moderne depuis la Renaissance et la révolte des Ciompi. Il éclaire ainsi combien les résistances à l’emprise du capital engendrent de nouveaux maillages territoriaux et de nouveaux processus disciplinaires, de l’urbanisme florentin post-médiéval à la logistique moderne.

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L’histoire de la société capitaliste, c’est l’histoire des divers modes selon lesquels on extorque à l’ouvrier du travail productif, c’est-à-dire l’histoire des différentes formes de production-de plus-value. C’est là l’une des deux ‘‘histoires du capital’’ qu’il est possible d’écrire correctement pensons-nous, à partir des deux points de vue opposés auxquels le capitalisme doit son existence.
Mario Tronti, Ouvriers et capital

 

Dans l’histoire du mouvement ouvrier, l’usine a joué un rôle fondamental et même épique dans la coagulation aussi bien de l’exploitation des ouvriers que de la lutte de ces derniers contre leur condition. C’est pour cette raison que l’apparente disparition de l’usine comme point avancé du capitalisme dans le monde dit développé a souvent été interprété comme une pure et simple disparition de la classe ouvrière en tant que bloc important de la société. Si cette interprétation suit la réalité de la tendance industrielle de ces quarante dernières années, c’est-à-dire le passage de l’hégémonie du travail matériel à celle du travail immatériel, elle a aussi donné lieu à une vision de l’usine comme espace fermé sur lui-même, comme lieu spécifique de la production de marchandises matérielles. Pourtant le marxisme des années 1970, et en particulier l’opéraïsme, fut, entre autres choses, la redécouverte de l’usine comme un champ étendu qui englobe inévitablement toute la société dans son fonctionnement.

Ouvriers et capital de Mario Tronti est certainement un livre difficile à détacher du contexte de l’usine fordiste. Toutefois, même ce type d’usine dépassait, dès son invention au début du siècle dernier, ses propres frontières car pour fonctionner, c’est-à-dire pour subordonner ceux qui y travaillaient, elle devait s’étendre à tous les milieux sociaux : le foyer, l’école, la santé, le temps libre. C’est justement de par sa capacité à saisir ce passage que le livre de Tronti eut une certaine résonance dans la culture architecturale en Italie entre les années 1960 et les années 1970. Les thèses du livre influencèrent, entre autres, le projet critique et historiographique de Manfredo Tafuri et le travail du collectif Archizoom. En outre, parmi les militants opéraïstes, on trouvait des sociologues, des architectes et des urbanistes comme Romano Alquati, Claudia Greppi, Alberto Magnaghi, Paolo Deganello qui s’intéressèrent justement au cours de ces années au rôle des luttes dans le développement urbain en voyant dans le territoire entourant l’usine, c’est-à-dire la ville-usine, le champs élargi de l’exploitation capitaliste et du conflit de classe1.

Bien qu’Ouvriers et capital ait été publié à l’apogée du développement de l’usine fordiste, dont les luttes ouvrières ne tarderont pas à mettre en crise la structure, la façon dont le livre contextualise le rapport usine-société dépasse la séquence stricte du « fordisme »/« post-fordisme » à partir de laquelle le développement des formes de travail a été pensé.

Même si Ouvrier et capital a alors été lu dans la perspective de la centralité de l’usine en tant que lieu de production, l’usine y est théorisée comme un appareil qui relie le travail à la res extensa de la valorisation sociale, ce qui revient à définir l’usine comme dispositif à travers lequel toute la société est mise au travail. En partant de cette interprétation des thèses de Tronti, je propose de relire la longue histoire du territoire qui va de la métropole 2 moderne à l’urbanisation planétaire en cherchant à voir dans le concept d’usine (fabbrica) un paradigme (encore) utile pour comprendre la condition urbaine contemporaine.

1. Dans le livre Großstadt Architektur, publié en 1927, l’architecte allemand Ludwig Hilberseimer soutenait qu’avec l’avènement du capitalisme la ville rompait résolument avec l’histoire millénaire et se présentait comme quelque chose de complètement nouveau : la Großstadt justement, la grande ville, la métropole3. Dans ce type de ville toute continuité avec le passé est pour Hilberseimer impossible. Le capital impose à la ville non pas tant une augmentation d’échelle, mais une configuration différente qui la rend incompatible avec les formes urbaines traditionnelles.

On peut donc soutenir que l’avènement du capitalisme met fin à la ville en tant qu’entité politique souveraine (la civitas), et la remplace par une machine économique dans laquelle ville et territoire, intérieur et extérieur, sont intégrés dans un système totalisant. Si la ville comme centre survit, c’est seulement comme fétiche, comme symbole, au maximum comme levier pour la rente.

Avant Hilberseimer, ce fut l’ingénieur espagnol Ildefonso Cerdà, auteur du célèbre plan urbanistique de Barcelone en 1859, qui avait soutenu qu’avec l’avènement du développement industriel, le concept de ville en tant civitas était désormais anachronique. Dans son œuvre importante Théorie générale de l’urbanisation publiée la même année que Le Capital de Marx en 1867, Cerdà considérait déjà que le terme ville devait être remplacé par le néologisme urbanisation, c’est-à-dire un espace où la circulation des biens et des personnes prenait le pas sur toutes autres dimensions de l’espace habité4. Ce qui caractérise la théorie urbaniste de Cerdà est la place centrale qu’il accordait à l’étude de la population à partir des conditions de production-reproduction de la force de travail. Cerdà est le premier urbaniste à fonder le projet urbain sur des sources statistiques, optimisant ainsi la réforme urbaine sur la base des conditions de vie de la société et de sa capacité à produire. Pour cette raison, comme l’a noté Andrea Cavalletti, l’ingénieur urbaniste espagnol est l’héritier de tout un savoir urbain qui se développe sous le signe de la Polizeiwissenschaft et où sécurité, médecine et économie se fondent dans les pratiques de gouvernement du territoire5.

Les théories comme celles de Cerdà postulaient que la ville comme entité différenciée par rapport au territoire cessait d’exister, s’y substituait un système disloqué, sans extérieur véritable, potentiellement extensible à l’infini et dont la fonction n’est plus de produire une forme, mais d’être un processus, une machine en marche qui lie, au sein de son appareil, circulation et habitation. Il est intéressant d’observer dans un texte que l’historiographie architecturale a toujours considéré comme la magna carta de l’urbanisme classique, à savoir la Charte d’Athènes rédigée dans le cadre du Congrès d’Architecture Moderne (CIAM) en 1933 et écrite de fait par Le Corbusier, une grande emphase autour du lien production-vie comme principal objectif du projet urbanistique.
Bien que la Charte d’Athènes proposait une division entre diverses fonctions – circulation, travail, habitation, temps libre etc. –, cette séparation était fonctionnelle à une intégration majeure et plus efficiente de ces moments dans un système urbain au sein duquel tous les aspects de la vie urbaine se fondaient dans un même processus de reproduction sociale.

Pour Le Corbusier, comme pour Cerdà et Hilberseimer, l’organisme urbain ne pouvait plus être pensé à partir des formes traditionnelles de la ville, c’est-à-dire pensé par opposition à ce qui l’entoure – la campagne ou la banlieue – mais se constituait comme une nouvelle entité, en l’occurrence comme un territoire urbain.

Bien que limitées à un horizon réformiste, qui prétend dompter les forces de la grande métropole au sein de l’utopie rationaliste du plan, ces approches du territoire mettent en lumière quelque chose qui, dès cette époque, dépassait la raison du plan, un paysage nouveau, inédit, toujours en mouvement, et donc déconcertant. Ce paysage est l’urbanisation entendue comme processus irréfrénable, et donc privée d’une forme définitive. L’expérience subjective de ce paysage ne fut comprise que par ceux qui avaient réglé leurs comptes avec la « pensée négative » de la métropole moderne, c’est-à-dire Georg Simmel et la relation entre circulation de l’argent et expérience de l’espace urbain qu’il théorise ; Max Weber, avec son analyse de la ville comme machine pour l’accumulation du pouvoir politique et économique ; Walter Benjamin et son analyse de l’architecture des grandes métropoles du XIXe siècle comme fantasmagorie qui cache, mystifie le conflit de classe. Ce qu’il y a de commun entre ces penseurs et leurs lectures de la métropole, c’est l’effort de donner forme à une subjectivité désenchantée, une façon d’être qui soit à la hauteur de la métropole du capital.

2. Nous sommes aujourd’hui amenés à voir ces « découvertes » de la métropole comme des évidences. Métropole et Großstadt sonnent comme des termes désuets, vintage, tant nous sommes habitués à bien d’autres catégories de l’espace urbain comme ville diffuse, slums, urbanisation planétaire, capitalocene. Et pourtant dans le domaine de la pensée urbaine peu ont réussi à thématiser le rapport entre capital et forme urbaine, au-delà des phénomènes les plus visibles et évidents comme la spéculation, la rente et la « gentrification ». L’idéologie bourgeoise des sciences sociales a tellement imprégné l’urbanisme que l’histoire de la ville a été au mieux pensée dans les termes d’un inexorable processus technologique, une expansion inévitable de l’urbain, inexorable résultat du développement des forces productives, plutôt que comme un bouleversement structurel qui change la composition physique, sociale et politique de ce que nous continuons à appeler ville. Bouleversement signifie ici révolution et non évolution, car – il est bon de le rappeler – la métropole du capital ne naît pas de son propre esprit entrepreneurial comme beaucoup d’histoires de la ville moderne nous le racontent, mais des luttes, des tumultes des opprimés et des adversaires de ces derniers, c’est à dire des contre-révolutions, des états d’exception politiques et économiques que le capital a mis en place pour maintenir son paradoxal ordre des choses, c’est-à-dire un ordre fondé sur le désordre. Le désordre de la métropole capitaliste n’est donc pas une « erreur » du processus, une condition de default comme le théorisait l’urbanisme réformiste. Le désordre de la ville capitaliste est le résultat de l’état de guerre permanent nécessaire au capital pour contrôler et contraindre au travail ses propres subalternes.

C’est ici que la thèse centrale d’Ouvriers et capital de Mario Tronti – d’abord les luttes, puis ensuite le développement – s’applique aussi à la naissance et au développement de la ville moderne : d’abord les luttes, ensuite la ville, son projet, ses transformations et son architecture. Le projet de la ville moderne n’est rien d’autre que la réponse, de la part du capital, au conflit de classe. Le Corbusier l’avait bien compris quand il mettait les autorités face au dilemme : architecture ou révolution6.

La révolution dont parlait Le Corbusier était le spectre de la Révolution bolchevique de 1917, qui en peu de temps allait contraindre les capitalistes à repenser la composition politique du commandement sur le travail donnant ainsi vie à l’Etat providence. Mais au fond la révolution qu’évoquait le Corbusier n’était rien d’autre que la menace que la force de travail se rebelle contre sa propre exploitation, une menace qui, comme le soutient Tronti, est présente à l’intérieur du développement du capital puisque ce dernier n’est rien d’autre qu’exploitation du travail vivant. Du point de vue des gouvernements et des capitalistes la révolution de classe était donc quelque chose à conjurer mais aussi à utiliser en fonction de leurs propres intérêts, étant donné que, depuis les tumultes des villes communales du XIVe siècle jusqu’aux révolutions dans les grandes métropoles du XIXème siècle, la confrontation de classe a toujours marqué le début des grands projets de transformation urbaine.
Ce n’est donc pas par désir technocratique que l’architecture de l’usine devient, chez les architectes du Mouvement Moderne comme Le Corbusier, Hilberseimer, mais aussi Ludwig Mies ven der Rohe, le paradigme architectural à partir duquel se définit la nouvelle architecture. Pour les architectes modernes l’usine n’est pas simplement la métaphore de l’époque des machines mais est une véritable mine de solutions techniques à étendre à toute l’architecture de la ville. L’utilisation de fer et du ciment armé, la standardisation et la préfabrication des éléments de construction, techniques mises au point dans l’architectures de l’usine du XIXe et XXe siècle, sont reprises par les architectes modernes dans tous les domaines de la ville et du territoire : depuis l’habitation jusqu’aux infrastructures, des bâtiments publics jusqu’au design des intérieurs. Pensons par exemple à la manière dont l’architecte autrichienne Margarete Schütte-Lihotzky dessine la célébrissime « cuisine de Francfort », à travers l’application de critères de mesure et de coordination du travail d’usine au travail domestique.

La métropole et son territoire deviennent ainsi une chaine de montage de « faits sociaux » pour paraphraser le titre de la No-Stop City, ce célèbre projet de 1970 à travers lequel le groupe Archizoom développait les thèses d’Ouvriers et capital. Bien avant que l’on commence à parler d’ « usine diffuse » et d’ « ouvriers sociaux », la métropole moderne avait depuis longtemps étendu l’usine à toute la société.

3. L’usine n’est donc pas seulement un lieu spécifique de la ville moderne mais un concept qui s’appuie sur l’idée de la métropole comme organisme flexible et extensible à l’infini, dont le rôle est de reproduire et d’organiser le travail vivant. Originellement le mot « usine (fabbrica) » signifie édifice, pas tant dans le sens de la forme de l’édifice que dans celui d’appareil, de machine, d’artifice.

Le sens commun entend l’usine comme un lieu circonscrit où a lieu la production de certaines marchandises. La pensée politique a considéré l’usine comme le passage vers un capitalisme mature qui signe la fin des formes traditionnelles de manufacture pour lui substituer un système machinique où ce ne sont plus les ouvriers qui utilisent les machines, mais ces dernières qui utilisent les ouvriers. En réalité, l’usine a une histoire beaucoup plus complexe et irréductible aux stéréotypes qui ont tenté d’en représenter l’évolution. L’usine n’est ni un édifice ni un lieu mais plutôt un ensemble de machines, un diagramme spatial dont la fonction consiste à adapter l’espace physique à la composition technique qui rend possible le travail productif et son exploitation. L’usine n’a donc pas de forme définitive, elle est plutôt un processus en perpétuelle transformation qui, à partir d’un centre parfois stratégiquement relocalisé, innerve et organise le territoire. S’il y a usine, il y a un réseau logistique qui coordonne machines, transports, flux de personnes, matières premières, marchandises : le champ d’application de l’usine est toujours le territoire.

En principe, les factories étaient des structures légères, anonymes, positionné le long d’axes militaires et de trafic commercial pour faciliter la colonisation de terres indigènes. Comme l’a noté Carl Schmitt, contrairement au colonialisme espagnol et portugais basé sur la conquête et la partition de grands espaces, le colonialisme anglais fut un processus capillaire d’appropriation, basé sur la réalisation d’infrastructures, canalisations, structures logistiques, traités commerciaux, et qui produisait des cartographie et des mesures précises des ressources naturelles à exploiter7.

Bien que l’usine soit associée au passage de la manufacture à l’industrie, la nature profondément logistique de l’usine tire justement ses origines de la colonisation et de la gestion du territoire agricole. Le terme factory provient du latin facere, faire, et a pour origine le factorium (dont découle également le terme ferme [fattoria] ) c’est à dire le moulin, mais également le poste des fermiers chargés par le propriétaire terrien de gérer le territoire agricole. Au Moyen-Age la factory est un lieu de rassemblement pour marchands, et riches hommes d’affaire en voyage en terre étrangère, ainsi doté d’un magasin et d’un marché8.

L’étymologie du terme nous montre que le concept d’usine (fabbrica) investit depuis toujours le territoire comme un espace à mettre sous contrôle afin de le posséder. Mais dans l’usine cette possession n’est pas seulement militaire comme dans le castrum ou le fort. Elle est essentiellement logistique et extractive. Au fond, le terme même de territorium, comme l’écrit Ciceron, fait référence à la possession de la terre, l’aire d’influence d’une institution ou d’une communauté. Le colonialisme élargit cette influence de la terre à la mer en faisant de cette dernière le paradigme géographique de la modernité par antonomase. Dans les Principes de la philosophie du droit, Hegel soutenait ainsi que l’histoire de la civilisation européenne pouvait être lue comme un conflit entre terre et mer, c’est-à-dire entre la stabilité de la famille et de la ville et le champs ouvert, mobile et incertain du commerce maritime9. L’ethos de la mer est l’industrie au sens premier du terme, c’est-à-dire dextérité, sollicitude, capacité d’innovation pour faire face à des situations défavorables et incertaines. Le colonialisme des cinq derniers siècles a ainsi constitué un laboratoire de techniques d’appropriation qui, avec la naissance de la grande industrie, ont été réinvestis sur le territoire des colonisateurs. Ce n’est pas un hasard si le capitalisme industriel nait justement en Angleterre, soit la première nation à avoir fait de la mer son terrain d’expansion impérialiste. Ce que l’on appelle la « révolution industrielle » n’a été rien d’autre qu’un processus de colonisation interne du continent européen, une colonisation qui pour fonctionner a du – dès le début – mettre au travail non seulement les ouvriers mais l’ensemble de la société.

4. Dans sa volonté de contextualiser le dispositif usine et de ne pas le reléguer au statut de fétiche typologique ou technologique, Ouvrier et capital nous offre un cadre catégoriel qui est encore efficace. Dans le chapitre « L’usine et la société » (publié dès 1962, dans les « Quaderni rossi »), Tronti écrit que si dans le processus de travail, le capital est commandement sur le travail, c’est seulement dans le processus de valorisation – c’est-à-dire au sein de la société – que le capital développe un pouvoir de coercition qui force le travailleur à se soumettre à l’exploitation10. « Le capital parvient à saisir, dans un mode qui lui est propre, l’unité du procès de travail et du procès de valorisation : et plus la production capitaliste se développe plus la forme capitaliste de la production s’empare de toutes les autres sphères de la société, envahissant entièrement le réseau des rapports sociaux, plus Il parvient à la saisir11. » Ce qui est mis en évidence dans ce passage est le processus d’« usinisation » de la société : l’usine se lie indissolublement au territoire et donc aux formes de vie.

Comme le rappelle Tronti, Marx fait remonter le processus de mise au travail de la société au passage crucial de la règlementation de la journée de travail, quand on passe de la plus-value absolue à la plus-value relative. Pressurisé par les luttes ouvrières, le capital ne peut pas se contenter d’exploiter le travail comme il le trouve, mais doit façonner le processus de travail « à son image », c’est-à-dire en colonisant chaque moment de la vie sociale, en en déterminant la temporalité et la spatialité.

La réglementation de la journée de travail est donc un des modes à travers lequel État, société, public, privé, travail, vie, temps et espace se fondent au sein du capital jusqu’à construire le continuum de l’exploitation. C’est pour cela que le territoire devient – comme l’affirme Tafuri dans Per una critica dell’ideologia architettonica – une machine pour l’extraction de la plus-value à partir de tous les rapports sociaux12. Rues, logements, chemins de fer, parcs, équipements pour le « temps libre », mais également planification, rente, spéculation immobilière, travaux publics, infrastructures de tous types, sont mis en œuvre non seulement comme moments du processus productif mais également comme appareils de capture et d’organisation de la vie humaine. Et pourtant c’est justement en réalisant ce rapport entre les choses toujours plus organique et totalisant que la capital réussit également à le mystifier et à le rendre pour ainsi dire invisible. Tronti observe qu’à partir du moment où toute la société est absorbée par la production capitaliste, l’usine disparait paradoxalement, et c’est à ce moment que se réalise pleinement l’idéologie bourgeoise, c’est-à-dire l’hypostase du « social » comme quelque chose au sein duquel la force de travail est uniquement considérée comme un moment de la vie sociale13.

La disparition de l’usine dans la société, au moment où toute la société s’usinifie, ne consiste pas uniquement en ce qui serait advenu peu après Ouvrier et capital, à savoir la relocalisation de l’usine et l’informatisation du commandement sur le travail. Elle consiste également et surtout en une occultation par le capital de ce que l’opéraïsme féministe a défini, peu après la sortie du livre de Tronti, comme les arcanes de la reproduction, c’est-à-dire l’exploitation du travail reproductif et affectif nécessaire à la formation de la classe ouvrière14. En somme, dans l’usine qui devient société, il n’y a pas que les ouvriers (mâles) mais aussi, comme l’écrivait Leopoldina Fortunati, les femmes aux foyer et les prostituées dont le travail a été pendant des années caché et exploité à l’intérieur de cette formidable invention bourgeoise qu’est le foyer comme « refuge privé » et lieu de non-travail.

5. Replacé dans ce contexte, Ouvrier et capital saisit un passage fondamental qui brouille encore aujourd’hui la transition nette entre « fordisme » et « post-fordisme » sur laquelle a tant insisté la tradition operaïste et post-operaïste. L’usine sociale, la mise au travail de la société à partir de sa propre reproduction, l’unité toujours plus organique entre processus de travail et processus de valorisation et le rôle des luttes comme énergie propulsive de ces processus, n’ont fait que se renforcer dans ce qu’on appelle le « post-fordisme » mais sont déjà présent en germes dans les processus d’urbanisation qui, à partir du Moyen-Age, ont donné forme au territoire européen puis à la planète toute entière. Ce que l’on appelle « Renaissance » (un terme inventé, non par hasard, par la culture bourgeoise du XIXe siècle pour mystifier l’origine conflictuelle de son propre pouvoir de classe) n’est rien d’autre que le début de cette grande contre-révolution capitaliste dont l’objectif était de contraindre des masses de personnes à devenir des ouvriers salariés. Dans Le Capital Marx a raconté le moment originel –le péché originel – de ce processus, révélant la violence de l’accumulation primitive, c’est-à-dire l’appropriation de la terre commune par les premiers propriétaires terriens qui contraignit des masses de personnes à vendre leur propre force de travail en ville. C’est dans ce violent passage historique que se forme le prolétariat, ce dernier se constituant historiquement avant le système capitaliste. Comme l’écrit Tronti : d’abord le prolétariat, puis la force de travail ; d’abord les ouvriers politiquement comme classe, puis le développement capitaliste.

Ouvrier et capital nous rappelle que le rapport de classe entre ceux qui vendent et ceux qui achètent la force de travail est le fondement du rapport capitaliste. Ce rapport prend forme au Moyen-Age lorsque les ouvriers expropriés commencent à menacer non seulement les patrons mais aussi les gouvernements municipaux et les corporations qui défendent les droits des ouvriers-entrepreneurs, les futurs patrons. Les corporations « majeures », c’est-à-dire les premières institutions politiques de la bourgeoisie, attaquaient les magnats qui menaçaient le pouvoir démocratique des premières communes, mais réprimaient le nouveau prolétariat urbain, la véritable force de travail nécessaire à la formation du capital. Qu’est-ce que l’invocation de la Rome antique, qui a tant marqué les arts de la Renaissance, si ce n’est la création du mythe de la Pax Romana contre les tumultueux ouvriers barbares qui bouleversent l’ordre des civitas médiévales ?

Science, culture, civilisation renaissent dans le XVe siècle non pas sous le signe de l’humanisme mais comme conséquences de l’antagonisme entre classe des capitalistes et classe ouvrière. Face à cet antagonisme la classe des capitalistes n’a pas le choix : la ville et le territoire doivent être conçus comme un système. La ville idéale de la Renaissance, avec ses places géométriques et ses rues rectilignes, n’est rien d’autre que l’exorcisation du conflit et la sublimation idéologique  de la nécessité d’un contrôle étendu de l’espace.
Des dispositifs sociaux entrent en scène, dont le rôle est de capturer et de mettre au travail le corps social. Déjà Au XVIe siècle Sebastiano Serlio inclut dans son traité sur les habitations – le Libro VI, Sulle habitationi di tutti li gradi de gli huomini – des modèles de logement non seulement pour le tyran ou les riches mais aussi pour les paysans et artisans pauvres, ces derniers constituant une force de travail essentielle qu’il fallait arracher au vagabondage et clouer à la routine domestique et à la propriété privée de leur logement.

Vient ensuite l’invention de la perspective qui est le fruit non pas tant de la volonté de représenter scientifiquement l’espace tridimensionnel dans la superficie bidimensionnelle de l’image peinte, mais de la volonté de posséder dans son extension totale l’espace de l’expérience, en donnant à ce dernier une mesure déterminée et scientifique. La représentation en perspective, en effet, présuppose la révélation topographique du territoire qui n’est possible qu’à travers une conception mathématique de l’espace entre les choses. Au fond, l’abstraction réelle de l’argent comme étalon universel dans lequel toutes les choses deviennent marchandise naît de la même abstraction de l’espace prospectif dans lequel tout doit être potentiellement connaissable par un système général et déterminé, comme si tout devait être intégrable dans la logique de la valeur d’échange.

Comme l’a observé l’historien de l’art Marvin Trachtenberg, l’évolution de la science prospective au Moyen-Age reçoit une impulsion décisive via les tentatives de réforme de l’espace urbain mises en avant par les autorités des villes communales contre l’instabilité sociale qui menaçait l’efficience de leur gouvernement15. Ce n’est pas un hasard si, entre le XIVe et le XVe siècle, Florence devient l’épicentre de cette conception révolutionnaire de l’espace et du territoire : c’est dans cette ville qu’au XIVe siècle se succédèrent continuellement des conflits sociaux comme le fameux Tumulte des Ciompi en 1378, première révolte opéraïste de l’histoire, justement parce que, comme l’a écrit Ernesto Screpanti, cette dernière fut un exemple grandiose de révolution prolétaire moderne qui éclata dans le centre le plus avancé du développement capitaliste de l’époque16.

Dans ce contexte conflictuel, l’architecture joue un rôle fondamental en se constituant comme discipline au service du gouvernement urbain, en se distinguant ainsi de l’activité artisanale de la construction et en investissant son propre savoir vers le calcul et le projet. Si d’un côté l’architecture est projet de monuments qui servent à manifester l’idéologie du pouvoir, d’un autre coté elle est aussi pratique de réforme et de contrôle de l’espace urbain dans lequel l’utilisation de la géométrie, le calcul, la détection topographique, l’art militaire se fondent dans une conception du pouvoir qui n’est plus symbolique mais spatiale. Que l’on pense à la manière dont le projet architectural, en tant que pratique distincte de l’art de construire, développe son propre arsenal de techniques de représentation de l’espace, sous l’impulsion de projets de construction d’infrastructures territoriales dans lesquels domaine civil et domaine militaire sont de moins en moins des secteurs opérationnels distincts. Les architectes de la Renaissance comme Filippo Brunelleschi ou Francesco di Giorgio Martini conçoivent des machines qui servent non seulement à faire la guerre mais aussi à organiser la vie civile et surtout à faire travailler les ouvriers comme dans le cas des innombrables machines conçues par Filippo pour le turbulent chantier de la Coupole de Santa Maria del Fiore où une célèbre grève des ouvriers de la cathédrale menaça d’arrêter les travaux. C’est de ces évènements que naît un savoir toujours plus tourné vers la gestion de la ville comme processus social. L’usine est donc la vision de la ville comme ensemble de machines dont le développement dépend de l’intensité du conflit auquel ces dernières doivent faire face.

6. L’usine fordiste est impensable sans le processus de transformation de la ville et du territoire en machine sociale. La célèbre thèse du post-operaïsme selon laquelle la multitude est à la ville comme les ouvriers sont à l’usine, bien qu’utile et suggestive, risque toutefois de définir l’usine comme une structure rigide et immobile, elle risque de ne pas nous faire comprendre à quel point le territoire urbanisé est depuis toujours la véritable usine. Par ailleurs l’idée de l’usine fordiste-tayloriste comme structure rigide contre l’appareil fluide du travail « immatériel » contemporain est une conception de ce type d’usine trop simpliste et par certains aspects trompeuse. Comme nous le démontre l’histoire des grandes usines du XXe siècle, l’usine fordiste ne pouvait résister à l’insubordination ouvrière continue qu’en se renouvelant continuellement, en transformant sa structure technique et sociale de manière compulsive. Ce n’est pas un hasard si l’usine fordiste assume comme principe spatial la « pianta tipica », c’est-à-dire l’espace vide où les structures de soutien sont réduites au minimum. Il est intéressant de noter comment ce même dispositif est aujourd’hui utilisé dans les bureaux, dans les musées (qui souvent occupent des usines « désaffectées »), mais aussi dans les universités et jusque dans les habitations.

Comme l’a observé Francesco Marullo, cette conception de l’espace architectural comme espace flexible n’est rien d’autre que l’approximation spatiale de la véritable nature du travail vivant, ce qui revient à dire travail en puissance, et donc irréductible a des formes spatiales définitives17. Par ailleurs, comme l’avait déjà mis en évidence Alquati dans les années 1970, dans l’usine fordiste aussi le capital s’approprie du savoir et pas seulement les muscles de l’ouvrier18. En revanche, dans le domaine de ce que l’on appelle le travail immatériel de l’ouvrier cognitif, on trouve une croissante et désormais visible (ou indissimulable) et lourde usinification du travail comme par exemple, dans les grands « open floors » dans les bureaux Facebook à Menio Park où plus de mille personnes travaillent dans ce qui est désormais connu comme « le plus grand open-space du monde ». Ici on voit non seulement réapparaitre l’architecture de la grande usine avec ses espaces abstraits mais le travail lui-même est compulsivement mesuré et contrôlé dans sa totalité. Ce n’est pas un hasard si beaucoup de ces entreprises étendent leur contrôle en dehors de l’usine en initiant des projets de housing collés aux bureaux et en organisant un système capillaire de transport des salariés, comme cela est en train d’être fait à San Francisco, la Detroit 4.0. Sans parler de ce que l’on appelle l’architecture of fulfilment, versant logistique du commerce online (Amazon etc.), faite de lieux où l’exploitation de la force de travail atteint des niveaux autrefois inimaginables19.
Au fond l’explosion des applications comme Uber ne sont rien d’autre que la continuation logique de l’extension de l’usine sur la société : l’uberisation de l’espace n’est rien d’autre que la poursuite accélérée de l’urbanisation. Il faudrait prendre plus au sérieux les tentatives de sublimer cette réalité à travers le fétiche de la factory comme on peut le voir sur beaucoup de lieux de travail créatif ou non. Dans Ouvriers et capital Tronti nous mettait précisément en garde contre la tendance de la pensée marxiste à définir tout ce qui se passe dans le camp adverse comme apparence idéologique. En réalité, c’est justement l’utilisation compulsive par de nombreuses entreprises du travail 2.0 du terme factory (comme dans « fun factory », « creative factory », « knowledge factory », « food factory », « art factory ») qui trahi l’ethos stakhanoviste que l’on peine de plus en plus à cacher : work hard, have fun, make history dit un slogan inscrit à l’entrée des centres Amazon.

C’est toutefois une erreur de croire que, comme l’exploitation du travail productif est partout, l’usine disparaît. L’usine, comme au commencement de son histoire, s’articule à travers des lieux stratégiques qui animent la machine territoriale urbaine et fonctionnent par rapport à celle-ci comme le goulot d’une bouteille. Le goulot d’une bouteille n’obstrue pas mais régule le flux, il en dirige la force et en régule la puissance. En même temps, le goulot d’une bouteille, justement parce qu’il crée de la friction, est toujours amené à être bouché et à bloquer le flux. Il est intéressant de noter que de nombreuses occupations d’espace récentes, comme par exemple le mouvement de la place Tahrir en Egypte ou celle du Pearl Roundabout au Bahrain, se sont déroulées non pas dans des places traditionnelles comme peut l’être la Place Navona à Rome, mais dans des roundabouts, des ronds-points, un type de place née avec la ville industrielle qui servait à réguler efficacement le trafic20. L’occupation de ces espaces semble donc réclamer une certaine permanence politique précisément là où le capital a transformé la ville en un système de flux. L’usine doit être ainsi pensée comme un système machinique articulant de nombreuses choses qui sont à premières vue distinctes comme les transports, la logistique, les systèmes algorithmiques de la finance mais aussi les ressources naturelles et les territoires agricoles.

Dans l’usine contemporaine il y a moins de six degrés de séparation entre les algorithmes de la finance, la start-up de San Francisco, le land-grabbing en Asie et en Afrique. Certes, dans l’usine il y a aussi la dette, la consommation, la rente, les nouvelles formes d’ascèse que le capital utilise pour discipliner ses subalternes. Mais toutes ces choses doivent être vues comme un nouveau développement de ce système coercitif, de cette forme d’accumulation primitive permanente et étendue sur le territoire avec lequel le capital commande et exploite le travail vivant. Séparer les formes d’exploitation et de coercition comme si elles étaient des chapitres distincts et les voir comme des changement de paradigmes où le « nouveau » chasse l’ « ancien » est à mon avis une erreur non seulement tactique, mais surtout stratégique.

Le retour de l’usine est donc une provocation pour redécouvrir et reconstruire la géographie de l’usine contemporaine et son rapport symbiotique avec la société. De cette usine, il faut reconstruire la généalogie comme on a tenté de le faire de manière succincte avec ces brèves réflexions, mais il faut aussi savoir la retrouver dans le territoire urbain contemporain. Peut-être faut-il à cet égard sortir de la rhétorique des flux de multiplicités désincarnées au travers de laquelle ont été lues les luttes contemporaines.

Les récentes luttes des travailleurs des centres logistiques de la TNT, d’Amazon, d’IKEA, mais aussi les luttes des No-Tav en Val de Suse contre la ligne de train à grande vitesse, des NoDALP à Standing Rock dans le North Dakota contre le passage d’un oléoduc, des livreurs à vélo à Milan contre l’exploitation du travail à l’époque des applications smartphone, nous ont montré une nouvelle géographie possible de l’usine contemporaine, de ses lieux physiques et de ses conflits.

Texte initialement paru sur Operaviva
Traduit de l’italien par Valerio Starita

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  1. Sur ces thèmes on peut s’intéresser aux importantes contributions sur le concept de Ville Usine de Alberto Magnaghi dont notamment « de la ville usine à la métropole informatique », in S. Bonfiglioli, M. Galbiati, Dopo metropolis, Franco Angeli, Milano, 1984. []
  2. Le concept opéraïste de « métropole » ne désigne pas seulement la ville en tant qu’espace géographique, mais l’ensemble des appareils urbains de capture par lesquels les activités humaines sont soumises à la valorisation du capital, ainsi que le territoire sur lequel se déroule la lutte contre ces appareils. []
  3. Ludwig Hilberseimer, Groszstadt Architektur, Julius Hoffmann Verlag, Stoccarda, 1927, trad. it. Groszstadt Architektur. L’Architettura della Grande Città, Clean Edizioni, Napoli, 1998, p. 7. []
  4. Il defonso Cerdà, Teoría general de la urbanización y aplicación de sus principios y doctrinas a la reforma y ensanche de Barcelona Imprenta Española, Madrid 1867, trad. it. Teoria Generale dell’Urbanizazzazione, a cura di Antionio Lopez de Aberasturi, Jaca Book, Milano 1995, pp. 84-87. []
  5. Andrea Cavalletti, La città biopolitica, Mondadori, 2005. []
  6. Le Corbusier, Vers une Architecture, Georges Crés, Parigi, 1923, trad. it. Verso una Architettura, a cura di P. L. Cerri, P. L. Nicolin, Longanesi, Milano, 1973, p. 123. []
  7. Carl Schmitt, Der Nomos der Erde im Völkerrecht des Jus Publicum Europaeum, Durcker & Huboldt, 1997 (1950), trad. it. Il Nomos della Terra nel diritto internazionale dello Jus Publicum Europaeum, a cura di Franco Volpi, Adelphi, 1991, pp. 269-287. []
  8. Voir: James D. Tracy, The Political Economy of Merchant Empires, Cambridge University Press, London, 1997. []
  9. G. W. F. Hegel, Principes de la philosophie du droit, trad. J.-F. Kervégan, Paris, PUF, 2011, p. 325. []
  10. Mario Tronti, Ouvriers et capital, trad. Y. Moulier-Boutang, Genève, Entremonde, 2016, p. 53. []
  11. Ibid. 35. []
  12. Manfredo Tafuri, Per una critica dell’ideologia architettonica, «Contropiano», 1, 1969, pp. 31-79. []
  13. Mario Tronti, Ouvriers et capital, op. cit., p. 66. []
  14. Voir le nécessaire complément à Ouvrier et capital de Tronti,: Leopoldina Fortunati, L’arcano della ripoduzione: Casalinghe, prostitute, operai e capitale, Marsilio, Padova, 1981. []
  15. Marvin Trachtenberg, The Dominion of the Eye, Urbanism, Art and Power in Early Modern Florence, Cambridge University Press, Londra, 2008. []
  16. Ernesto Screpanti, L’angelo della liberazione nel tumulto dei Ciompi. Firenze Giugno-Agosto 1378, Protagon Editori Toscani, Firenze, 2008. []
  17. Voir : Francesco Marullo, Architecture and Revolution. The Typical plan as Index of Generic in Pier Vittorio Aureli (a cura di), The City as a Project, Ruby Press, Berlino 2014, 216-260. []
  18. Voir : Romano Alquati, Lavoro e attività. Per una analisi della schiavitù neomoderna, Manifestolibri, Roma, 1998. []
  19. Voir la recherche développée sur ce thème par le collectif Behemoth http://www.behemothpress.com/index.php/projects/architecture-of-fulfilment/ []
  20. Sur ce thème voir : Eyal Weizman, The Roundabout Revolutions, Sternberg Press, Berlino, 2015. []
Pier Vittorio Aureli