En 1961, dans Les Damnés de la terre, Frantz Fanon écrit :
Les analyses marxistes doivent être toujours légèrement distendues chaque fois qu’on aborde le problème colonial1.
Cette idée constitue un excellent point de départ pour réexaminer la problématique postcoloniale de ce que l’historien indien Dipesh Chakrabarty a appelé la « provincialisation de l’Europe ». Il y a en effet au sein des études subalternes, postcoloniales et décoloniales deux conceptions hétérogènes et concurrentes de la provincialisation de l’Europe dont l’enchevêtrement, pour être délibéré, n’en reste pas moins source d’ambiguïtés. Il y a, d’une part, une conception selon laquelle la provincialisation est synonyme de particularisation, et par conséquent de relativisation, de la « pensée européenne-eurocentriste », et en particulier de la pensée marxiste. Il y a, d’autre part, une conception de la provincialisation en tant que distension qui souligne la nécessité d’une extension et d’un déplacement des frontières de la théorie au-delà de l’Europe en tant que condition de possibilité d’une authentique universalisation. Les adversaires de la critique postcoloniale se sont jusqu’à présent presque exclusivement opposés à la première de ces deux formes de provincialisation, la relativisation, dans laquelle ils ont légitimement perçu une rupture avec la pensée et les luttes d’émancipation anticoloniales. Mais s’ils s’étaient montrés un peu plus attentifs à la seconde forme, la distension, ils auraient vu que celle-ci puise bel et bien de profondes racines dans la pensée anticoloniale, et en particulier dans les marxismes anticoloniaux.
Il y a plusieurs manières de retracer cette généalogie, c’est-à-dire d’élucider les continuités comme les ruptures qui sont fondatrices du passage et du partage historico-épistémiques de l’anticolonialisme à la critique postcoloniale. Je me propose ici de considérer un problème de ce point de vue capital, celui de la nationalisation du marxisme, dont l’identification usuelle à une « simple » question d’ « adaptation du marxisme à des conditions singulières » ne restitue pas la complexité dans la mesure où, comme l’ont montré Gramsci et C.L.R. James, une telle « nationalisation » engage de véritables processus de traductions théoriques et pratiques. L’exemple le plus célèbre reste celui de l’entreprise de « sinisation du marxisme » menée par Mao Zedong. En effet, comme l’écrit Arif Dirlik – qui est par ailleurs un inlassable critique des études postcoloniales – :
l’une des plus grandes forces de Mao en tant que dirigeant a été sa capacité à traduire le marxisme dans un idiome chinois », autrement dit à opérer une « vernacularisation du marxisme »2
… où l’on voit déjà que les processus de nationalisation du marxisme sont irréductibles à la formule stalinienne : « national dans la forme, socialiste dans le contenu ».
Je m’intéresserai ici à une expérience moins connue, celle du « communisme national musulman » tel qu’il s’est développé en Russie soviétique, puis en URSS, de 1917 à la fin des années 1920, et qu’il me semble essentiel de (re)mettre au jour pour au moins trois raisons :
- Premièrement, il s’agit, comme son nom l’indique, d’un communisme musulman qui soulève la question, plus que jamais actuelle, des relations entre, d’une part, les mouvements d’émancipation blancs ou d’ « origine blanche » (fussent-ils en l’occurrence rouge, soviétique) et, d’autre part, l’islam et les groupes qui intègrent celui-ci, de multiples manières, à leurs revendications politiques ;
- Deuxièmement, on est en présence d’un mouvement d’émancipation anti-impérialiste qui s’est développé de concert avec un processus révolutionnaire au cœur même de l’empire (russe), situation historique dont le précédent le plus illustre est celui du branchement des révolutions française et haïtienne au tournant des XVIIIe et XIXe siècles ;
- Troisièmement, l’on a affaire à une « révolution coloniale » qui s’est déroulée à l’intérieur même des frontières territoriales de la « métropole », fût-ce à ses confins. Mais il ne s’agit pas tant d’une exception que d’une situation-limite qui révèle que, dans un contexte impérialiste mondial, le national(isme) extra-européen ne constitue jamais un « dehors » de l’empire : c’est en bien plutôt la limite permanente. Penser la nationalisation du marxisme, et plus spécifiquement du bolchevisme, en tant que provincialisation de l’Europe, ce n’est donc pas tant penser une altérité radicale à laquelle le marxisme-léninisme devait se confronter et qui ne pouvait manquer de l’altérer, le relativiser, que penser les marges théoriques et pratiques du bolchevisme – lui-même produit d’une traduction préalable du marxisme en Russie –, le distendre, ce qui implique aussi d’élucider les modes selon lesquels le bolchevisme a été repensé depuis les marges de l’empire.
N’ayant aucune prétention à faire un exposé d’ensemble sur le communisme national musulman, je m’intéressai ici à ce qui en reste la figure majeure, à savoir l’intellectuel et militant tatar bolchevik Mirsaid Sultan Galiev à propos de la première arrestation duquel en 1923 Trotsky allait citer ces paroles de Kamenev :
C’était la première arrestation d’un membre éminent du Parti opérée sur l’initiative de Staline. […]. Ce fut chez Staline, pour la première fois, la soif du sang3.
Mais reprenons les choses depuis le début4.
Sultan Galiev naît en 1892 en Bashkirie, au sein d’une famille très modeste. En 1907, il intègre l’École normale des instituteurs de Kazan, dont allait être issue une partie importante des futurs dirigeants nationalistes. Il mène dans les années suivantes une activité de journaliste et s’engage dans les mouvements nationalistes musulmans. Deux mois après la révolution de février 1917, il participe à Moscou au premier Congrès des musulmans de Russie et est élu secrétaire du Conseil des musulmans de Russie. En juin 1917, après sa rencontre avec Mullanur Vakhitov – qui allait être fusillé par les blancs en août 1918 –, il rejoint les rangs bolcheviks. Il s’engage en octobre 1917 dans le Comité militaire révolutionnaire de Kazan et devient, entre autres responsabilités, président du Collège militaire musulman. C’est pour lui une période de collaboration active avec Staline, alors à la tête du Commissariat du peuple aux nationalités (Narkomnatz). Se dégage déjà à cette époque du travail de Sultan Galiev et de ses camarades trois orientations stratégiques majeures :
- La première repose sur la formation d’une Armée rouge musulmane, ou « Armée rouge prolétarienne orientale »5, que Sultan Galiev conçoit, à l’instar de Mao après lui, « comme une véritable “classe sociale” organisée, hiérarchisée et fortement politisée, capable de remplacer le prolétariat indigène déficient comme force active de la révolution6 ».
- La deuxième orientation consiste dans la création, effective en juin 1918, d’un Parti communiste des musulmans de Russie à même de préserver l’autonomie du mouvement révolutionnaire musulman que compromettrait son incorporation à des organisations dominées par les Russes, fussent-ils soviétiques.
- La troisième orientation – qui puise ses sources bien en deçà de la révolution de 1917 – vise à l’édification d’une grande République musulmane tataro-bachkire, laquelle fait en mars 1918 l’objet d’une « promesse formelle » de la part du Commissariat du peuple aux nationalités.
Durant la même période, Sultan Galiev jette les fondements théoriques et idéologiques du communisme national musulman, que l’on peut à leur tour diviser en trois points :
- Le premier est relatif aux relations de classes et, corrélativement, au rapport entre révolution sociale et révolution nationale. Soulignant l’homogénéité de la structure sociale musulmane et l’absence d’un prolétariat tatar, Sultan Galiev affirme qu’il est nécessaire, dans la première phase de la révolution, de laisser la direction du mouvement aux dirigeants musulmans d’origine petite-bourgeoise. Plus encore, rejouant l’opposition léninienne des nations oppressives et des nations opprimées, il en appelle à une « revanche des opprimés sur les oppresseurs » et déclare que « tous les peuples musulmans colonisés sont des peuples prolétariens »7.
- Le second point touche au rapport entre révolution socialiste et Islam. Si Sultan Galiev défend l’idée que « comme toutes les autres religions du monde », l’islam est « condamné à disparaître »8, il n’en souligne pas moins que « de toutes les “grandes religions” du monde, l’Islam est la plus jeune, donc la plus solide et la plus forte par l’influence qu’elle exerce » et que le droit musulman (la charia) présente des prescriptions réellement « positives », progressistes : le « caractère obligatoire de l’instruction », « l’obligation au commerce et au travail », « l’absence de la propriété privée de la terre, de l’eau et des forêts », etc. – des prescriptions dont Sultan Galiev suggère, sans le dire explicitement, qu’elle pourraient être incorporées et nourrir une société communiste à venir. D’autre part, la singularité de l’Islam repose sur le fait « qu’au cours du dernier siècle, l’ensemble du monde musulman fut exploité par l’impérialisme de l’Europe occidentale ». L’Islam a été et demeure une « religion opprimée, acculée à la défensive9», oppression qui a généré un profond « sentiment de solidarité » doublé d’un puissant désir d’émancipation. Il n’y a pour Sultan Galiev aucune incompatibilité entre la révolution socialiste et l’Islam : il ne faut pas œuvrer à la destruction de l’Islam, mais bien plutôt à sa déspiritualisation, à sa « marxisation ».
- Le troisième point concerne l’exportation de la révolution bolchevique ou, dans les termes de Sultan Galiev lui-même, le transport de l’ « énergie révolutionnaire » née en Russie au-delà de ses frontières. La révolution « doit s’élargir et s’approfondir aussi bien dans son contenu interne que dans ses manifestations extérieures10 ». Mais la question est de savoir dans quelle direction, selon quelle géographie, elle doit le faire. À l’instar d’autres marxistes non-européens, tels Manabendra Nath Roy, Sultan Galiev en appelle à renverser l’ordre des priorités et à donner le primat à la révolution sociale en Orient. Non seulement celle-ci n’est pas dépendante du succès préalable de la révolution en Europe, mais elle est susceptible de pallier l’estompement des énergies révolutionnaires en Europe après les échecs allemands et hongrois. Pour Sultan Galiev, le « foyer révolutionnaire » européen est désormais éteint, tandis que l’Orient constitue « une matière très riche et très “inflammable” »11. Dans cette perspective, la révolution anticoloniale devient la condition de possibilité de la révolution européenne et mondiale, non l’inverse : « Privé de l’Orient et coupé de l’Inde, de l’Afghanistan, de la Perse et des autres colonies asiatiques et africaines, l’impérialisme occidental périclitera et mourra de mort naturelle12.» Enfin, le tour de force de Sultan Galiev consiste à affirmer que ce sont les communistes musulmans de Russie qui sont les plus aptes à assurer cette circulation révolutionnaire, à propager la révolution soviétique vers l’Orient. En appelant à un décentrement, contre la centralisation moscovite, Sultan Galiev enjoint les dirigeants bolcheviks à faire des confins de la Russie, de ses marges (okrainy), la source de la révolution en Orient.
Cependant, l’alliance entre les dirigeants soviétiques et les communistes musulmans, étroitement liée aux impératifs de la guerre civile, allaient tourner court. Dès novembre 1918, le Parti communiste musulman est transformé en section musulmane du Parti bolchevik. Quant à la promesse de création de la République tataro-bachkire elle s’évapore progressivement. Sultan Galiev devient persona non grata et est absent du Premier Congrès des peuples d’Orient à Bakou en septembre 1920. On a souvent dit de ce Congrès qu’il représentait le sommet de l’ « idylle » entre le pouvoir soviétique et les mouvements d’émancipation anti-impérialiste en Orient, le moment, fût-il éphémère, de tous les espoirs, symbolisés par l’injonction de Zinoviev à :
susciter une véritable guerre sainte (djihad) contre les capitalistes anglais et français13.
Il en alla pourtant autrement, du moins pour les communistes musulmans de Russie qui virent leurs prétentions à être les propagateurs de la révolution en Orient anéanties par la réaffirmation, d’une part, de la contemporanéité de la révolution sociale et de la révolution nationale dont la direction devait incomber « non à pas à la bourgeoisie radicale, mais à la paysannerie pauvre », d’autre part de la « primauté absolue de la révolution prolétarienne en Occident sur la révolution coloniale14». Pour Sultan Galiev, ces rebuffades ne signaient pas tant la victoire d’une conception de la révolution mondiale contre une autre, la sienne, que la victoire du chauvinisme grand-russe dont il s’était toujours méfié, craignant, constatant et combattant la reproduction chez les communistes russes d’une mentalité et de pratiques coloniales hérités de l’empire tsariste et qui allaient également être dénoncées par Giorgi Safarov dans un ouvrage publié en 1921 et intitulé La révolution coloniale15. La disgrâce de Sultan Galiev intervient en 1923. Quelques semaines après le XIIe Congrès du Parti communiste russe, il est arrêté à Moscou sur ordre de Staline et exclu du Parti. Il est accusé de « conspiration » du fait des relations qu’il aurait entretenues avec des dirigeants et organisations nationalistes rebelles, au premier rang desquels Ahmed Zeki Validov et le mouvement des Basmatchis en Asie Centrale16. Cette condamnation signe le début d’une vaste campagne de répression contre ce qui est dès lors dénommé le « sultangalievisme ».
Entre mai 1923 et la fin de l’année 1924 environ, date à laquelle ses derniers espoirs de réintégrer le Parti sont anéantis, Sultan Galiev est placé dans une situation par définition marginale, déjà plus « dedans » mais pas encore « en dehors » des instances révolutionnaires soviétiques. C’est en prison, où il reste un peu plus d’un mois, qu’il rédige une esquisse d’autobiographie, adressée à Staline et Trotsky, dans laquelle il approfondit ses thèses sur la révolution mondiale :
Il me semblait que le mouvement révolutionnaire des colonies et des semi-colonies et le mouvement révolutionnaire des ouvriers des métropoles étaient étroitement liés et que leur alliance harmonieuse provoquerait le succès de la révolution sociale mondiale17.
La condition de possibilité de la révolution mondiale, c’est pour Sultan Galiev la combinaison et la composition, les circulations et l’intensification mutuelle des révolutions sociales (en Europe) et des révolutions anticoloniales (en Orient), les unes restant néanmoins autonomes à l’égard des autres. Or, tel est précisément selon lui ce qui s’est produit à l’intérieur même des frontières de la Russie :
La réussite de la révolution en Russie s’explique justement par l’alliance harmonieuse des intérêts du prolétariat russe, d’une part, et de la libération nationale et de classe sur ses marges coloniales, d’autre part. En ce sens, la Russie présente tous les traits d’un grand champ d’expérimentation de la révolution mondiale18.
Cette thèse d’une grande originalité fait écho à celle qu’allait développer C.L.R. James dans Les Jacobins noirs, ouvrage dans lequel, pour citer Edward Said :
les événements de France et d’Haïti s’entrecroisent et se répondent comme des voix dans une fugue19.
Le 14 août 1924, Sultan Galiev adresse une lettre de demande de réintégration à la Commission centrale du Parti. S’il juge alors son exclusion comme « un acte juste de châtiment », il précise également que son « crime » n’était rien d’autre qu’une « réaction » à un danger plus menaçant, celui de l’expansion du chauvinisme grand-russe. Il récuse par ailleurs toute conception « historiciste » de la révolution en Orient :
le développement de la révolution sur nos marges orientales se déroulera vraisemblablement de manière non linéaire, non pas selon un “projet préétabli”, mais par des soubresauts ; pas même suivant des lignes courbes, mais suivant des lignes brisées. Ceci s’explique par le fait que ces régions ont vécu sous le joug écrasant du tsarisme20.
Dans ces espaces que sont les marges de l’empire, la temporalité révolutionnaire ne peut être qu’une temporalité éclatée, faites de sauts et de ruptures, de périodes de latence et d’embrasements soudains – thèse qui n’est à nouveau pas sans évoquer la description qu’allait faire C.L.R. James du processus historique aux Antilles en tant que composé « d’une suite de périodes de dérives, désordonnées, ponctuées de sursauts, de bonds et de catastrophes21».
Sa requête de réintégration déboutée, Sultan Galiev allait adopter une toute autre stratégie, à présent en rupture totale avec le pouvoir soviétique – et donc « contre-révolutionnaire » de ce point de vue. Si cette période de sa vie reste largement méconnue, l’on croit savoir qu’il fut l’auteur, entre 1923 et 1928, d’un « programme » rédigé en tatar et intitulé Considérations sur les bases du développement socio-politique, économique et culturel des peuples turcs22, depuis perdu, mais cité dans plusieurs études soviétiques. La rupture opérée par Sultan Galiev s’y exprime notamment sous la forme d’un arrachement à l’Europe de la paternité du matérialisme dialectique, dès lors renommé « matérialisme énergétique » et qui puiserait ses sources en Orient, chez les Mongols. Ce décentrement épistémique n’est significatif qu’en tant qu’il participe d’une coupure idéologique et stratégique plus générale. Sultan Galiev avance en effet l’idée d’un « front commun des opprimés » unissant « tous les classes de la société musulmane, à l’exclusion de la seule grande bourgeoisie et des féodaux » et rejoignant « l’idée traditionnelle de la ‘Umma – communauté des croyants23». De manière plus radicale encore, il substitue à l’opposition « capitaliste-exploité » l’opposition « industriel-sous-développé » et déclare que l’ennemi n’est pas seulement « la bourgeoisie des puissances impérialistes, mais la société industrielle toute entière24», dont l’Union soviétique fait bien sûr partie25. Selon lui, la « liquidation de la révolution socialiste en Russie » est alors irrémédiable et s’accompagnera nécessairement d’une intensification du chauvinisme grand-russe et plus généralement de la domination des peuples musulmans par l’Occident. Afin d’éviter cela, il n’y a qu’une seule solution : « l’hégémonie du monde colonial sous-développé sur les “puissances européennes”26» ou, dans ses termes, « la dictature des pays coloniaux et semi-coloniaux sur les métropoles industrielles27». C’est pourquoi il est nécessaire d’œuvrer à la création d’une Internationale coloniale, « communiste, mais indépendante de la Troisième Internationale, voire même opposée à celle-ci28» dont le cœur sera un immense État turc à l’intérieur de la Russie, la République du Touran, dirigée par un « Parti des socialistes d’Orient ».
C’est à ces tâches que se consacre, clandestinement, Sultan Galiev jusqu’à sa seconde arrestation en novembre 1928. Condamné à mort le 28 juillet 1930, sa peine est commuée début 1931 en dix ans de réclusion. Libéré en 1934, il est à nouveau arrêté en 1937 et condamné à mort fin 1939. Il est fusillé le 28 janvier 194029, laissant un héritage dont se sont emparés nombre de ceux qui se sont attachés à penser le branchement du socialisme et des processus de décolonisation, en particulier dans le monde musulman et notamment en Algérie30 ; un héritage qui exige aujourd’hui, non moins qu’hier, d’être médité, non seulement dans les colonies et ex-colonies, mais aussi et peut-être avant tout, dans les ex-métropoles post-coloniales chateau gonflable.
- Frantz Fanon, Les Damnés de la terre. Paris : Gallimard, 1991, p. 70. Nous soulignons. [↩]
- Arif Dirlik, « Mao Zedong and “Chinese Marxism” » in Companion Encyclopedia of Asian Philosophy (edited by Brian Carr and Indira Mahalingam. Londres et New York : Routledge, 1997, pp. 593-601. [↩]
- Léon Trotsky, « Suppléments » à Staline, « II : Kinto au pouvoir », dernière consultation le 8 février 2014 [↩]
- Je prends essentiellement appui sur les quelques essais de Sultan Galiev traduits en français (in Alexandre Bennigsen et Chantal Quelquejay, Les mouvements nationaux chez les musulmans de Russie. * Le « sultangaliévisme » au Tatarstan. Paris et La Haye, Mouton & Co, 1960) ainsi que sur des sources secondaires, au premier rang desquelles deux ouvrages d’Alexandre Bennigsen et Chantal Quelquejay (Alexandre Bennigsen et Chantal Quelquejay, Le « sultangaliévisme » au Tatarstan, op. cit.; Alexandre Bennigsen et Chantal Lemercier-Quelquejay, Sultan Galiev, le père de la révolution tiers-mondiste. Paris : Fayard, « Les inconnus de l’histoire », 1986 ; voir également Maxime Rodinson, « Communisme et tiers monde : sur un précurseur oublié » (1960) in Marxisme et monde musulman. Paris, Éditions du Seuil, 1972) Enfin, je me réfère occasionnellement au volume des écrits de Sultan Galiev en russe, et dans un moindre mesure en tatar, publié en Russie en 1989 et dont l’exégèse demande encore à être faite (Mirsaid Sultan Galiev, Izbrannyje troudy. Kazan, Gasyr, 1998). [↩]
- « Deuxième Congrès des Organisations Communiste des Peuples d’Orient : Résolution sur la Question d’Orient » présenté par Mirsaid Sultan Galiev, Žizn’ nacional’nostej (La vie des nationalités), n° 46 (54), 7 (20) décembre 1919, n° 47 (55), 14 (27) décembre 1919, reproduit in Alexandre Bennigsen et Chantal Quelquejay, Le « sultangaliévisme » au Tatarstan, op. cit., p. 214). [↩]
- Alexandre Bennigsen et Chantal Lemercier-Quelquejay, Sultan Galiev, le père de la révolution tiers-mondiste, op. cit., p. 123. Voir également Mirsaid Sultan Galiev, Les Tatars et la révolution d’octobre, Žizn’ nacional’nostej (La vie des nationalités), n° 24 (122), 5 novembre 1921, reproduit Alexandre Bennigsen et Chantal Quelquejay, Le « sultangaliévisme » au Tatarstan, op. cit., p. 219-225. [↩]
- Mirsaid Sultan Galiev, cité par Alexandre Bennigsen et Chantal Quelquejay, Le « sultangaliévisme » au Tatarstan, op. cit., p. 105. [↩]
- Mirsaid Sultan Galiev, cité par Alexandre Bennigsen et Chantal Quelquejay, Le « sultangaliévisme » au Tatarstan, op. cit., p. 106. [↩]
- Mirsaid Sultan Galiev, « Les méthodes de propagande anti-religieuse parmi les musulmans », Žizn’ nacional’nostej (La vie des nationalités), 14 décembre 1921 et 23 décembre 1921, reproduit in Alexandre Bennigsen et Chantal Quelquejay, Le « sultangaliévisme » au Tatarstan, op. cit., p. 228. [↩]
- Mirsaid Sultan Galiev, « La révolution sociale et l’Orient », Žizn’ nacional’nostej (La vie des nationalités), n° 38 (46), 5 octobre 1919, n° 39 (47), 12 octobre 1919, n° 42 (50), 2 novembre 1919, reproduit in Alexandre Bennigsen et Chantal Quelquejay, Le « sultangaliévisme » au Tatarstan, op. cit., p. 207. [↩]
- Ibid., p. 211. [↩]
- Ibid., p. 212. [↩]
- Voir Ian Birchall, « Un moment d’espoir : le congrès de Bakou 1920 », Contretemps web, dernière consultation le 5 février 2014. [↩]
- Alexandre Bennigsen et Chantal Quelquejay, Le « sultangaliévisme » au Tatarstan, op. cit., pp. 139-140. [↩]
- Giorgi Safarov, Kolonial’naja revolucija (La révolution coloniale). Opyt Turkestana, Gosudarstvennoe izdatel’stvo, 1921, réimprimé par Society for Central Asian Studies, Oxford, 1985. Safarov avait été envoyé en 1920 par Lénine au Kazakhstan pour liquider les inégalités entre les colons russes et les populations indigènes en restituant aux secondes les terres laissées en friche par les premiers. Peu de temps auparavant, Lénine avait fait rappeler à Moscou « tous les communistes du Turkestan infectés par la mentalité colonisatrice et le colonialisme russe » (Jean-Jacques Marie, « Quelques divagations », Les Cahiers du monde ouvrier, n° 46, avril-mai-juin 2010, p. 143)[15]. La lutte contre le chauvinisme grand-russe, désormais contre Staline et ses alliés sur la question de la Géorgie, allait constituer « le dernier combat de Lénine » (Voir Moshe Lewin, Le Dernier combat de Lénine. Paris : Édition de Minuit, 1978 ; l’essai de Lénine « Sur la question des nationalités ou “l’autonomisation” », dicté en décembre 1922 à un moment où sa santé le lui permettait, n’a été publié qu’en 1956). [↩]
- « Quatrième Conférence du Comité central du Parti communiste avec les travailleurs responsables des républiques et des régions nationales (9-12 juin 1923), « Discours de Staline », reproduit in Alexandre Bennigsen et Chantal Quelquejay, Le « sultangaliévisme » au Tatarstan, op. cit., pp. 239-245. La sténographie de la conférence – contenant notamment les dépositions des proches de Sultan Galiev et celle de Trotsky – a été publiée en Russie en 1992 : Tajny nacional’noj politiki CK RKP. Stenografičeskij otčet sekretnogo IV soveščanija CK RKP, 1923 g. (Les secrets de la politique nationale du Comité central du Parti communiste russe : Rapports sténographiés de la quatrième réunion secrète du Comité central du Parti communiste russe, 1923). Moscou : INSAN, 1992. [↩]
- Mirsaid Sultan Galiev, « Avtobiografičeskij očerk “Kto ja ?” : Pis’mo členam Central’noj kontrol’noj komissii, kopija – I.V. Stalinu i L.D. Trockomu. 23 maja 1923 » (« Essai autobiographique “Qui suis-je ?” : Lettre aux membres de la Commission centrale de contrôle du Parti, copie pour Staline et Trotski, 23 mai 1923) in Izbrannye trudy, op. cit., p. 446-509. [↩]
- Ibid. Nous soulignons. [↩]
- Edward W. Said, Culture et impérialisme. Paris : Arthème Fayard, Le Monde diplomatique, 2000, p. 388. [↩]
- Mirsaid Sultan Galiev, « Zajavlenie v Central’nuju kontrol’nuju komissiju RKP (b) s pros’boj o vosstanovlenii v partii. 8 sentjabrja 1924 g.» (« Demande de réintégration au Parti adressée à la Commission centrale de contrôle. 8 septembre 1924 ») in Izbrannye trudy, op. cit., pp. 516-522. [↩]
- C.L.R. James, « De Toussaint Louverture à Fidel Castro » (1963) in Les Jacobins noirs : Toussaint Louverture et la Révolution de Saint-Domingue. Paris : Éditions Amsterdam, 2008, p. 360. [↩]
- Alexandre Bennigsen et Chantal Lemercier-Quelquejay, Sultan Galiev, le père de la révolution tiers-mondiste, op. cit., p. 221. Bennigsen et Quelquejay mentionnent également le programme du parti clandestin turkestanais Erk qui « contient plusieurs points directement inspirés des théories de Sultan Galiev » (ibid., p. 224). [↩]
- Alexandre Bennigsen et Chantal Quelquejay, Le « sultangaliévisme » au Tatarstan, op. cit., p. 105. [↩]
- Ibid., p. 103. [↩]
- Ibid., p. 103. [↩]
- Ibid., p. 180. [↩]
- Sultan Galiev, cité par Alexandre Bennigsen et Chantal Quelquejay, Le « sultangaliévisme » au Tatarstan, op. cit., p. 180. [↩]
- Alexandre Bennigsen et Chantal Quelquejay, Le « sultangaliévisme » au Tatarstan, op. cit., p. 180. [↩]
- Voir Robert Landa, « Sultan Galiev », Cahiers du mouvement ouvrier, n°19, décembre 2002-janvier 2003, p. 88. [↩]
- Le premier président après l’indépendance, Ahmed Ben Bella affirmait ainsi avoir été influencé par la pensée de Sultan Galiev et, en particulier, par son idée d’ « Internationale coloniale ». Dans un autre registre, Sultan Galiev a également fait en Algérie l’objet d’une étonnante œuvre de fiction de l’écrivain Habib Tengour, Sultan Galiev ou la rupture des stocks, faisant de lui un proche du poète russe Sergueï Essenine (Habid Tenguour, Sultan Galiev ou la rupture des stocks. Paris : Sindbad, 1985). [↩]