En défense de la sauvagerie

La nature sauvage, objet d’aventure et de conquête, représente un fantasme classique de l’imaginaire réactionnaire. De la conquête de l’ouest aux « ténèbres » de Marlow, faire ses preuves dans un environnement hostile, forêt tropicale, désert, montagnes escarpées, est un véritable tropisme colonial et viriliste. Andreas Malm fait ici le constat qu’avec la catastrophe écologique, cet imaginaire est bien de retour, sous les avatars conservateurs du « survivalisme ». Mais Malm propose de tracer une autre tradition, émancipatrice, ayant mis à l’honneur cette « nature sauvage ». En effet, pour les esclaves marrons, de Jamaïque ou de Saint Domingue, c’est la « naturalité » des forêts que les planteurs n’avaient pas su apprivoiser qui fut le meilleur moyen de défense de leurs communautés. Malm propose une exploration fascinante de cet environnementalisme des pauvres, des communes marrones ayant traversé les siècles en Jamaïque aux territoires libérés de la forêt biélorusse par les partisans juifs.

Le bolchevik et la nature

L’urgence de la question écologique n’est pas sans faire écho à l’une des figures du mouvement ouvrier dont la trajectoire semble intrinsèquement liée au problème de la vitesse et du rythme : Lénine lui-même. Ce parallèle peut paraître étrange, tant l’obsession léninienne pour l’actualité de la révolution a l’air éloignée des enjeux environnementaux. Pourtant, dans ce texte vigoureux, Andreas Malm nous présente un Lénine adepte de montagnes enneigées, des randonnées sur les routes les plus escarpées, ou qui s’émeut des renards. Au-delà de l’anecdote, une étude rigoureuse montre combien le bolchévisme a tenté d’œuvrer pour protéger les espaces naturels et sauvages aux premières heures de la Russie soviétique. Malm dessine dès lors un lien fort entre l’urgence écologique, l’actualité de la révolution et la prise du pouvoir. C’est une proposition salutaire, tant chaque minute compte désormais : « pour paraphraser Emma Goldman, si nous ne pouvons plus danser sous la neige, il n’y aura peut-être plus de révolutions »

[Guide de lecture] Le marxisme écologique

L’actualité de la crise climatique, la montée en puissance des mouvements écologistes, antinucléaires, contre les grands projets inutiles, ont rendu saillante la nécessité d’élaborer un marxisme qui prenne le mesure des enjeux environnementaux. S’il existe quelques travaux de ce type en langue française et si l’écosocialisme a aujourd’hui droit de cité dans le débat militant, l’espace francophone n’a pas la diversité qui existe à ce sujet dans le monde anglophone. Des débats et polémiques virulentes s’y déroulent, sur le rapport entre société et nature, sur l’avenir des énergies fossiles dans le capitalisme ou encore sur les racines environnementales des crises. Éminent représentant du marxisme écologique, Andreas Malm dresse ici un tableau très complet de la richesse de la discussion marxiste sur l’environnement, la nature et le climat. De l’écomarxologie à l’écoféminisme marxiste, en passant par la biologie marxiste ou la théorie des systèmes-mondes, le marxisme écologique est aujourd’hui une figure majeure des débats contemporains.

Capital fossile : vers une autre histoire du changement climatique

Que peut dire le marxisme du réchauffement climatique ? Alors que se succèdent les conférences internationales sur le climat dans une plus ou moins grande indifférence et que le réchauffement climatique figure rarement dans l’agenda du mouvement ouvrier, l’apport théorique d’Andreas Malm est décisif. Ce dernier propose en effet une théorie du capital fossile, introduisant le facteur fossile dans l’équation de la production de plus-value, en prenant l’exemple contemporain de la Chine. Ce faisant, il opère trois déplacements majeurs. Il montre que c’est bien le capitalisme, et non pas l’humanité, qui est à l’origine du réchauffement climatique, contre le récit de l’anthropocène. Il défait l’argument qui consiste à blâmer l’appétit des pays émergents, pour au contraire replacer l’augmentation massive d’émissions au sein de ces pays, et plus particulièrement de la Chine, dans un contexte général, celui de la mondialisation. Enfin, il propose de faire droit à la composition fossile du capital, permettant ainsi non seulement de mieux comprendre les raisons du réchauffement climatique mais également de proposer des hypothèses stratégiques majeures pour le mouvement ouvrier, face au péril qui monte.
Andreas Malm montre également combien l’indifférence au réchauffement climatique doit mener à repenser la catégorie d’idéologie, à l’aide de Gramsci et d’Althusser.

Le mythe de l’anthropocène

Andreas Malm revient ici sur les usages – et mésusages – du concept d’anthropocène dont il expose les contradictions et les apories. En partant de la catégorie d’espèce humaine pour qualifier l’époque géologique actuelle, les partisans de l’anthropocène proposent une lecture faussée du réchauffement climatique. La spécificité historique du développement capitaliste fondé sur l’énergie fossile se retrouve diluée dans le récit mythique d’une humanité abstraite jouant avec le feu depuis des millénaires.