Internet et lutte des classes

Souvent négligée par les marxistes, la communication et les réseaux sociaux jouent un rôle central dans le capitalisme contemporain. A partir d’une lecture approfondie de Marx et enrichie des études post-coloniales et du féminisme, Christian Fuchs présente dans cet entretien une critique de l’économie politique des réseaux sociaux. Ainsi, il montre que l’émergence d’Internet joue à la fois un rôle stratégique pour l’accumulation du capital et remplit une fonction idéologique, mais contient également une vulnérabilité aux crises. À partir de cette critique, il souligne les perspectives de luttes autour d’Internet et les contours d’un Internet libéré de l’emprise du capital.

L’Uzeste de Bernard Lubat : un front culturel de résistance populaire

Bernard Lubat est l’une des figures emblématiques du jazz engagé aujourd’hui. Fondateur de la Compagnie Lubat et de d’Uzeste musical, il a fait de ses formations une expérimentation politique et esthétique ancrée dans une ruralité de Sud-Gironde. Dans ce texte, issu d’un recueil d’entretiens parus chez Outre Mesure, Fabien Granjon présente la pensée-pratique de Lubat. Dans le prisme de Gramsci et de la théorie de l’hégémonie, Granjon décrit le projet lubatien comme un travail musical éclectique, traversé par les traditions occitanes, paysannes, mais aussi par les musiques improvisées et le jazz. Il en émerge une conception de la musique comme travail collectif de condensation d’un vécu collectif et populaire.

Architecture constructiviste, quotidien et culture révolutionnaire

On l’oublie souvent mais la Révolution de 1917 s’est aussi voulue être une révolution du quotidien au cours de laquelle les transformations des rapports de production devaient s’accompagner d’une véritable réinvention du « mode de vie ». Dans ce processus, art et architecture étaient appelés à jouer un rôle de premier plan. Mobilisant les écrits des théoriciens productivistes et constructivistes russes des années 1920 (Boris Arvatov, Nikolai Tchoujak, El Lissitzki, etc.), Claire Thouvenot expose, à rebours de toute vision réductrice de la notion de « culture prolétarienne », la genèse d’une conception de l’art comme « construction du quotidien », devant en finir avec la séparation entre l’art et la vie caractéristique de la culture bourgeoise, en opérant la réconciliation du travail et de la création. Se dessinent ici les linéaments d’une « modernité socialiste alternative », échappant non seulement à la modernité capitaliste, mais aussi à la modernité industrielle stalinienne qui allait bientôt recouvrir ces efforts d’un épais voile.

Un point d’hérésie du marxisme occidental : Althusser et Tronti lecteurs du Capital

Comment faire dialoguer les interventions respectives de Tronti et Althusser dans la conjoncture théorique et politique des années 1960 ? Pour Étienne Balibar, cette question doit être inscrite dans l’histoire du mouvement ouvrier et de ses alternatives stratégiques. Là où l’œuvre d’Althusser peut être interprétée comme un dialogue avec la formulation gramscienne de la stratégie du « front unique », celle de Tronti doit quant à elle être lue comme une actualisation de la défense lukacsienne de la stratégie « classe contre classe ». Au-delà des divergences auxquelles cette alternative donne lieu – sur le statut de la critique de l’économie politique, de l’idéologie ou de la totalité – se dessine ainsi un même problème : celui des conditions sous lesquelles l’évènement révolutionnaire peut venir briser la reproduction des rapports de production.