Marx et les limites du capitalisme : relire le « fragment sur les machines »
Il est courant de lire que dans le « fragment sur les machines » issu des Grundrisse, Marx aurait annoncé le triomphe du travail immatériel et la fin de la société industrielle. Dans cette optique, l’exploitation et la résistance ne se jouent plus au sein du travail salarié, mais à travers les capacités affectives, communicationnelles et cognitives des individus. Riccardo Bellofiore et Massimiliano Tomba retracent ici la généalogie de cette interprétation, de Bordiga à Negri en passant par Panzieri, Tronti et Virno. Bellofiore et Tomba proposent une lecture alternative du fameux « fragment », fidèle au premier opéraïsme mais opposée à sa postérité autonomiste: Marx analyse une contradiction entre d’une part l’extension des marchés et des besoins sociaux, et d’autre part l’impératif d’exploiter la force de travail. En d’autres termes, le travail vivant et le travail exploité coexistent toujours, et constituent l’antagonisme irréductible du capitalisme.