La souffrance individuelle (et collective) est-elle un critère politique ?
La notion de trauma a la part belle ces derniers temps. En matière politique, sous le nom « d’expérience des premiers concernés », la condition de victime règle les processus et les recompositions politiques contemporaines. Selon Chi-Chi Shi, cet état de fait traduit une donnée structurelle de l’ère néolibérale : une individualisation constante des phénomènes politiques. Dès lors, la parole se distribue au gré de ce que chacun et chacune entend témoigner ou révéler. C’est dans ce contexte que Chi-Chi Shi situe l’émergence de l’intersectionnalité, dont il résulte trop souvent une approche de plus en plus morale ou dépolitisée des oppressions. La politique est désertée au profit d’une demande de reconnaissance par les dominants de leurs propres privilèges. Loin de récuser la pertinence d’une lutte contre l’oppression, Chi-Chi Shi en appelle à une reprise dialectique de l’universel et du spécifique, de l’individuel et du collectif, dans une dynamique qui ne résoudrait pas la tension entre les deux termes, mais qui chercherait à la rendre féconde.