Dessin animé et avant-garde. Entretien avec Esther Leslie
La théorie cinématographique marxiste constitue désormais un continent bien connu. Les approches marxistes de l’animation le sont moins. Pourtant, les grands classiques n’ont pas déserté ce champ : en témoignent les pages de Walter Benjamin sur Mickey Mouse dans Expérience et pauvreté, ou encore la critique de Dumbo par Siegfried Kracauer. Dans cet entretien avec Sophie Coudray, Esther Leslie revient sur l’itinéraire du dessin d’animation tant du côté des avant-gardes esthétiques révolutionnaires que celui des industries culturelles. Elle met au jour l’ambivalence du genre. Utopie pour les uns, l’animation offre (ou a offert par le passé) un territoire d’expérimentation formelle inédit. Pour les autres, l’animation constitue une domaine privilégié pour la rationalisation du travail cinématographique, dès l’instant qu’il est mis au service d’une industrie particulièrement coûteuse et prospère. Dans ce chassé-croisé entre avant-garde et capital, on peut dire que le second a pris le pas sur le premier, et Leslie donne de nombreux détails sur le conformisme de plus en plus évident des productions Disney. Par là, elle restitue aussi tout le potentiel subversif qui a été celui du cinéma d’animation, l’élan utopique qu’il a fallu effacer pour en faire un objet de consommation de masse.