Misère dans la philosophie marxiste : Moishe Postone lecteur du Capital
Aux yeux d’une certaine lecture de Marx, toute l’histoire du marxisme n’aurait été qu’un malentendu sur le projet politique et l’analyse marxiennes. Le « marxisme traditionnel » n’aurait trouvé en Marx qu’une critique des inégalités, de la propriété privée et de l’anarchie du marché, ouvrant la porte aux dérives staliniennes et réformistes. Chez le plus éminent représentant de ces nouvelles interprétations, Moishe Postone, le capital devient l’unique sujet du présent historique, un système autonomisé face auquel nous serions réduits à l’attente d’une libération que nul ne saurait provoquer. La lutte des classes n’est ici plus d’aucun recours, incapable de s’attaquer au cœur du système. Jacques Bidet révèle aussi bien les limites que l’attrait de cette analyse unilatérale et impuissante : Postone s’appuie sur l’échec des tentatives émancipatrices du XXe siècle pour tracer un horizon impressionniste, par la manipulation habile des concepts marxiens et l’occultation du réel historique.