[Guide de lecture] Aux marges de la révolution russe

Octobre 1917 est généralement envisagé comme un phénomène russe. Selon Eric Blanc, une telle focale s’avère trompeuse. Elle ne permet ni de saisir l’émergence, la théorie et la pratique du bolchevisme, ni de saisir la dynamique concrète ayant donné lieu à la révolution. Dans ce guide de lecture, Blanc annote de façon inédite un ensemble de références sur Octobre vu depuis les marges et les pays limitrophes : Géorgiens, Finlandais, Polonais, et bien d’autres sont à l’honneur et livrent un regard résolument décentré sur l’un des événements les plus décisifs du XXe siècle.

[Guide de lecture] 1917-2017 : repolitiser la révolution

Les transformations de l’historiographie de la révolution russe reflètent celles du monde dans lequel l’évènement révolutionnaire est pensé. De 1917 à 2017 se dessine ainsi une trajectoire théorico-politique où les témoignages et l’analyse militantes laissent peu à peu la place à l’histoire sociale et à l’analyse culturelle. Revenant sur les grandes étapes de cette séquence, Sebastian Budgen souligne ici tout l’intérêt des recherches qui, au tournant des années 1980, ont mis les marges au centre de la révolution : la prise en compte du point de vue des femmes, des minorités sexuelles et des nationalités opprimées a permis de restituer au processus révolutionnaire toute sa richesse et sa complexité. C’est ce point de vue décentré sur la révolution qu’il nous faut aujourd’hui repolitiser.

Vers un nouveau départ. Une alternative à la micro-secte

Pour une certaine doxa militante, « au commencement était le groupuscule » : le « parti révolutionnaire » serait d’abord une micro-secte qui évoluerait, au fil de la lutte des classes, vers un parti de masse. Comme le souligne Hal Draper ici, aucun parti de masse n’a suivi ce chemin et ni Marx ni Lénine n’ont jamais théorisé un tel développement. Cette « anatomie de la secte », exercice à la fois ludique et autocritique, est destiné à rétablir une vision plus juste de la politique révolutionnaire telle qu’elle a existé. Elle fut écrite à l’heure d’une ébullition groupusculaire au sein de la nouvelle gauche aux États-Unis, en 1971. Draper revient sur l’histoire des organisations auxquelles il a contribué et retrace les origines de l’involution sectaire du communisme et du trotskisme. Il propose en outre une autre perspective pour la politique révolutionnaire organisée : construire des « centres politiques ».

Lire Lénine. Entretien avec Lars Lih

Aujourd’hui encore, il est difficile de lire Lénine indépendamment de sa caricature « léniniste ». Selon un certain schématisme, Lénine fut l’inventeur tantôt d’un « parti de type nouveau », tantôt d’une forme d’organisation quasi-militaire, centralisée et hiérarchisée. Lars Lih balaye d’un revers de main ces déformations historiques : ces représentations sont en effet le fruit d’une lecture ignorante d’un texte comme Que faire ? dont l’auteur rétablit ici le sens. Armé d’une connaissance de première main des débats du bolchévisme, Lars Lih redonne à la révolution russe et à la IIIe Internationale leur dimension collective et retrace leur source commune : la pensée politique de Kautsky, la pratique politique de la social-démocratie révolutionnaire allemande. Par cette attention philologique, l’auteur de Lénine. Une biographie aux Prairies ordinaires (2015) réouvre les perspectives communistes occultées par les dogmes du mouvement ouvrier historique.

Communisme et nationalisme : une lettre inédite de Mirsaid Sultan Galiev

L’alliance entre bolchévisme et nationalismes opprimés n’a pas été sans heurts, sans contradictions. C’est ce dont témoigne une lettre inédite en français, datée du 8 septembre 1924 et adressée à la Commission centrale de contrôle du Parti communiste russe, du militant tatar bolchevik etthéoricien du communisme national musulman, Mirsaid Sultan Galiev (1892-1940). Fidèle allié du pouvoir soviétique depuis la révolution d’Octobre, Sultan Galiev avait été arrêté en 1923, a priori sur ordre de Staline, puis exclu du Parti. Il demande dans cette lettre sa réintégration, laquelle ne lui sera jamais accordée. Condamné à mort fin 1939, il est fusillé fin janvier 1940.

L’idée du communisme musulman : à propos de Mirsaid Sultan Galiev (1892-1940)

À travers la figure du bolchévik tatar, Mirsaid Sultan Galiev, Matthieu Renault s’intéresse ici à une expérience peu connue : celle du « communisme national musulman » tel qu’il s’est développé en Russie soviétique, puis en URSS, de 1917 à la fin des années 1920. Une première version de cette contribution a été présentée à l’occasion du colloque Penser l’émancipation (Nanterre, février 2014).