Le concept de révolution chez Georges Labica

Quelle place accorder aujourd’hui au concept de « révolution » dans la théorie et la pratique marxistes ? À cette question, nous dit Stathis Kouvélakis, Georges Labica (1930-2009) n’aurait pas manqué de répondre : « la place centrale ». Pour ce fervent lecteur de Lénine et Robespierre, et acteur de la révolution anticoloniale algérienne, la révolution combine trois aspects (que ses contemporains, de Negri à Badiou, auront désarticulés) : elle est événement fondateur, produit d’une longue maturation politique-stratégique et création d’un pouvoir de type nouveau. Mais si la pensée de ce théoricien de la révolution comme invention permanente est intempestive, c’est d’abord parce qu’elle touche aux interdits qui pèsent de nos jours sur la gauche, toutes tendances confondues, en mettant en exergue la violence inhérente à toute irruption démocratique et en soulignant (depuis son ouvrage de 1965 sur Ibn Kaldoun) le rôle du politico-religieux dans la transformation de l’ordre existant.

La guerre des partisans

Face à l’escalade autoritaire et répressive et à l’heure d’affrontements coriaces dans le cadre de la lutte contre la loi El Khomry et son monde, voilà une bonne manière de répondre au défaitisme et à la condescendance d’une partie du mouvement ouvrier – qui confond la conquête de la majorité avec le consensus mou et l’unanimisme béat. Les semonces de Lénine, datant de 1906, fournissent ici de quoi déjouer tout ce qui dans la routine militante du mouvement social pourrait nous faire endosser pareils travers.

Le mythe de la conception léniniste du parti ou Qu’ont-ils fait à Que faire ?

Détachement d’intellectuels, élitiste, centraliste. Le parti léniniste est taxé de tous les maux que le stalinisme a fait peser sur le mouvement ouvrier. Dans ce texte de 1990, Hal Draper revient sur le mythe qui entoure la conception léniniste du parti et notamment sur Que faire ?, en ayant à coeur de souligner le dynamisme de la pensée de Lénine. Draper nous invite alors à un retour au texte pour nous montrer que Lénine n’avait en rien cherché à construire une secte semblable aux groupuscules actuels. Il a construit un pôle révolutionnaire au sein d’un parti ouvrier large, dont le degré de discipline devait varier avec la conjoncture. Draper permet ainsi de relire les débats classiques sur l’organisation avec un regard neuf, qui peut nourrir un travail de recomposition politique encore à l’ordre du jour.

L’hypothèse communiste et la question de l’organisation

Quelles leçons politiques, stratégiques et organisationnelles peut-on tirer de la discussion philosophique sur le communisme ? C’est à cette question que se propose ici de répondre Peter Thomas, en replaçant le débat sur « l’hypothèse communiste » dans la perspective des théorisations de la forme-parti qui, de Lukács à l’opéraïsme en passant par Gramsci, ont émergé du mouvement ouvrier. Loin de toute fétichisation ou de toute critique abstraite du parti, l’auteur milite en faveur du réinvestissement de la figure gramscienne du « prince moderne », susceptible à ses yeux de promouvoir et de consolider les diverses luttes qui travaillent le présent historique.

Lire Lénine. Entretien avec Lars Lih

Aujourd’hui encore, il est difficile de lire Lénine indépendamment de sa caricature « léniniste ». Selon un certain schématisme, Lénine fut l’inventeur tantôt d’un « parti de type nouveau », tantôt d’une forme d’organisation quasi-militaire, centralisée et hiérarchisée. Lars Lih balaye d’un revers de main ces déformations historiques : ces représentations sont en effet le fruit d’une lecture ignorante d’un texte comme Que faire ? dont l’auteur rétablit ici le sens. Armé d’une connaissance de première main des débats du bolchévisme, Lars Lih redonne à la révolution russe et à la IIIe Internationale leur dimension collective et retrace leur source commune : la pensée politique de Kautsky, la pratique politique de la social-démocratie révolutionnaire allemande. Par cette attention philologique, l’auteur de Lénine. Une biographie aux Prairies ordinaires (2015) réouvre les perspectives communistes occultées par les dogmes du mouvement ouvrier historique.

La politique antiraciste du Parti communiste des États-Unis dans les années 1930

Le marxisme et le mouvement ouvrier sont loin d’avoir toujours donné toute sa place à l’oppression raciale. La notion abstraite de « classe ouvrière » a souvent fait écran sur les rapports d’oppression réels qui traversent le prolétariat. Cette faiblesse a parfois été surmontée au prix d’un profond travail autocritique. C’est le cas du Parti communiste états-unien qui, confronté à une classe ouvrière racialement stratifiée, a développé une réflexion théorique et une pratique politique particulièrement novatrice sur la question raciale. Loren Balhorn retrace l’histoire qui a fait du mouvement ouvrier révolutionnaire américain un véritable laboratoire de la lutte de libération noire.