Le paradoxe du réformisme

La différence entre réforme et révolution n’est pas une question de programme. En réalité, le réformisme est incapable d’obtenir des réformes par son seul concours. Dans cette formation (1993) à destination des cadres de son organisation, Solidarity, Robert Brenner détaille les raisons sociologiques de ce paradoxe, et en formule les conséquences stratégiques aux États-Unis. Le réformisme est l’idéologie spontanée d’une couche sociale bien précise : les permanents syndicaux et les politiciens sociaux-démocrates. Pour Brenner, la social-démocratie est une « forme de vie » à part entière dont les ressorts ne dépendent pas des défaites ou des victoires de la lutte des classes, mais de la négociation syndicale ou des résultats électoraux. Il en résulte que les révolutionnaires n’ont pas à combattre des « programmes » réformistes, mais une orientation au sein de la lutte qui rend inévitable la défense de l’ordre établi.

Lire Lénine. Entretien avec Lars Lih

Aujourd’hui encore, il est difficile de lire Lénine indépendamment de sa caricature « léniniste ». Selon un certain schématisme, Lénine fut l’inventeur tantôt d’un « parti de type nouveau », tantôt d’une forme d’organisation quasi-militaire, centralisée et hiérarchisée. Lars Lih balaye d’un revers de main ces déformations historiques : ces représentations sont en effet le fruit d’une lecture ignorante d’un texte comme Que faire ? dont l’auteur rétablit ici le sens. Armé d’une connaissance de première main des débats du bolchévisme, Lars Lih redonne à la révolution russe et à la IIIe Internationale leur dimension collective et retrace leur source commune : la pensée politique de Kautsky, la pratique politique de la social-démocratie révolutionnaire allemande. Par cette attention philologique, l’auteur de Lénine. Une biographie aux Prairies ordinaires (2015) réouvre les perspectives communistes occultées par les dogmes du mouvement ouvrier historique.

Un texte inédit de Louis Althusser – Conférence sur la dictature du prolétariat à Barcelone

« Le communisme est notre unique stratégie […], non seulement il commande aujourd’hui, mais il commence aujourd’hui. Mieux : il a déjà commencé. » Par ces mots, prononcés en 1976, Louis Althusser défendait la dictature du prolétariat. Le 22e congrès du PCF venait en effet d’en abandonner le concept. Amorçant une réflexion sur le long terme, Althusser revient, à l’occasion de cette conférence, jusque là inédite en français, sur le sens du syntagme « dictature du prolétariat ». Il en révèle les sous-entendus, les malentendus et en propose, discrètement, une nouvelle lecture, dans laquelle le dépérissement de l’État « commence quand des organisations issues des masses s’emparent de certaines fonctions du nouvel État : dès son installation, ou même avant. […] Où ? Quand ? Il suffit d’ouvrir les yeux. Que sont donc les organisations communistes de lutte de classe sinon déjà du communisme ? Et que sont donc ces initiatives populaires qu’on voit naître ici et là, en Espagne, en Italie ou ailleurs dans les usines, dans les quartiers, dans les écoles, dans les asiles, sinon déjà du communisme? »

Femmes noires et communisme : mettre fin à une omission

Ce texte, paru dans l’organe théorique du Parti communiste américain en 1949, est une contribution pionnière sur la triple oppression dont les femmes noires sont la cible en tant que femmes, en tant que noires et en tant que travailleuses. Claudia Jones, alors jeune cadre du parti, y montre comment cette oppression se cristallise non seulement sur le marché du travail, mais aussi dans les organisations du mouvement ouvrier et au sein du mouvement féministe. Dénonçant l’incapacité des progressistes à reconnaître l’expérience de luttes accumulée par les femmes noires au cours de leur histoire, elle appelle les révolutionnaires à faire de l’antiracisme une priorité stratégique et organisationnelle.

Althusser, un optimisme communiste. Entretien avec Panagiotis Sotiris

Althusser avait confiance dans le potentiel des masses populaires. Il a mis ses espoirs dans les nouvelles formes politiques qui se développaient en marge du parti communiste et tout le développement de sa philosophie est à l’image de cette préoccupation. Telle est la thèse contre-intuitive soutenue dans cet entretien par le philosophe et dirigeant anticapitaliste grec Panagiotis Sotiris, revisitant le rapport théorie-pratique, la question de l’hégémonie, le rôle des Universités ou encore le statut marxiste de la philosophie. Au-delà des clichés qui pèsent sur l’althussérisme (philosophie de l’ordre, scientisme), Panagiotis Sotiris propose un Althusser actuel, un théoricien de la politique et de la philosophie pour un renouveau du communisme organisé.