[Guide de lecture] Critique littéraire marxiste

Il est notoire qu’au cours de sa longue histoire, le marxisme a produit des théories de la littérature et des critiques littéraires majeures. Dans ce guide de lecture, Daniel Hartley propose une introduction générale à ces approches, en soulignant en particulier l’importance de l’étude de la littérature mondiale. Si les études littéraires sont aussi chères aux marxistes, c’est parce que la littérature médiatise des formes de sensibilité et de subjectivité historiques, qu’elles sont une méditation sur les traces du passé au sein même du présent, et qu’elles anticipent sur des affects ou des exigences futures. Au-delà de sa capacité à refléter la réalité, la littérature est dès lors un puissant réservoir de rêves, d’aspirations ou de fantasmes inaccomplis, un sédiment de l’affrontement des classes, une cristallisation du développement inégal et de la conflictualité du genre, de la race et de l’éthnicité.

Provincialiser le sujet occidental : pour un communisme postcolonial

Dans Le Capital, Marx identifiait déjà le mode de production capitaliste à un mode de subjectivation dont la personne « libre » de se faire exploiter comme d’échanger des marchandises serait la figure principale. C’est cette perspective que se propose ici d’enrichir et de décentrer Daniel Hartley. À partir d’une confrontation entre la théorie postcoloniale et les débats sur le « mode de production colonial », il montre que le capital subsume, transforme et produit des formes de subjectivation hétérogènes qui sont autant d’obstacles à son universalisation. Si les contradictions objectives du système travaillent de l’intérieur les subjectivités, alors, plus que jamais, la transformation de soi apparaît comme une condition de la transformation du monde.

Introduction à Raymond Williams

Raymond Williams est bien connu comme précurseur des études culturelles, c’est-à-dire comme un marxiste préoccupé par les questions culturelles dont les travaux auraient (mal) vieilli. Si la connaissance de cet auteur s’arrête souvent ici, Daniel Hartley propose au contraire de redécouvrir Williams comme un marxiste particulièrement novateur, dont les percées théoriques sont encore bien d’actualité. Dans ce texte, Hartley éclaire trois concepts de Williams qui en font un auteur central pour aujourd’hui : la complexité, l’immanence et la longue révolution. Confrontant Williams à la critique althussérienne de son temps (Terry Eagleton), Hartley le présente comme un penseur des pesanteurs matérielles, culturelles et économiques, qui donnent à la transition socialiste une dimension tragique, c’est-à-dire proprement stratégique.

La politique du style : entretien avec Daniel Hartley

En quoi la littérature est-elle politique ? Pour Dan Hartley, ce n’est ni au niveau des idées véhiculées par un texte, ni à celui des engagements proclamés d’un auteur, que l’on peut répondre à cette question, mais bien au niveau du style. La « politique du style » désigne alors la manière dont une œuvre transforme le langage, intervient dans les contradictions sociales qui y sont inscrites et déplace les cadres idéologiques au travers desquels nous vivons notre expérience quotidienne. À la suite de Raymond Williams, dont il expose ici certaines des thèses centrales, Dan Hartley redonne ainsi à la littérature la place qui lui revient dans l’élaboration de projets contre-hégémoniques collectifs.