La trajectoire théorique et politique de Mario Tronti

L’opéraïsme a acquis une renommée internationale pour son rôle fondateur dans l’émergence d’un marxisme autonome, acteur théorique majeur des conflictualités sociales en Italie à la fin du XXe siècle. Pour autant, le pionnier de cette approche, Mario Tronti, n’a pas suivi le chemin tumultueux des partisans autonomes de l’insurrection. Issu du parti communiste, la fin de l’expérience de Classe operaia a signifié pour lui un retour dans le giron du parti. Souvent décrite comme un reniement, la trajectoire intellectuelle de Tronti est ici restituée dans sa plénitude par Davide Gallo Lassere. Loin d’être une régression théorique, le tournant de l’autonomie du politique a été pour Tronti un prolongement de l’élaboration opéraïste sur le terrain des institutions. Convaincu du bien-fondé d’une pratique prolétaire du gouvernement, Tronti a proposé dans ces années crépusculaires une relecture stimulante des pensées conservatrices des institutions (de Weber à Schmitt). Sans prendre parti, Lassere propose de lire un Tronti encore inconnu en français, qui offre une contribution riche sur le devenir de la classe ouvrière et sur la question brûlante d’une realpolitik communiste.

[Guide de lecture] Opéraïsmes

Parce qu’il a su relier l’exigence théorique et l’intervention pratique, l’autonomie des luttes et les perspectives stratégiques, l’opéraïsme fait aujourd’hui l’objet d’un vif intérêt dans différents secteurs de la gauche radicale. Pourtant, le faible nombre de traductions disponibles comme la richesse de cette tradition hétérodoxe du marxisme italien contribuent à en gêner l’appropriation créative. On réduit encore trop souvent l’opéraïsme à un courant homogène, que l’évocation de quelques grands noms (Mario Tronti, Toni Negri) ou l’invocation de quelques concepts clés (composition de classe, refus du travail) suffiraient à cerner. Par contraste, c’est à la diversité interne de l’expérience opéraïste qu’entendent ici rendre justice Julien Allavena et Davide Gallo Lassere. De la scission des Quaderni rossi aux débats que suscita l’émergence de nouvelles figures de la lutte des classes dans les années 1970, en passant par l’enquête ouvrière et la lecture de Marx, c’est une ligne de conduite intellectuelle et politique en perpétuel renouvellement qu’ils donnent à voir dans ce guide de lecture, qu’en complèteront bientôt deux autres consacrés à l’autonomie et au post-opéraïsme.