Économie politique de l’impérialisme : comprendre la surexploitation

Longtemps, on a pensé que la surexploitation des pays du Sud s’explique parce que les salaires y sont plus bas, et que les firmes du Nord s’approprient tous les profits issus de cette exploitation. Le défi pour l’économie marxiste était donc : comment expliquer cette persistance des bas salaires ? Pourquoi la mondialisation n’a-t-elle pas rendu les salaires plus homogènes à l’échelle du monde ? Ce texte de Pierre-Philippe Rey, paru en 1977, reste d’une actualité brûlante. L’auteur y souligne que le mode de production capitaliste n’est pas tout à fait universel. Encore aujourd’hui, la paysannerie demeure en bien des endroits du Sud imparfaitement intégrée au marché. Il subsiste des formes combinées d’agriculture industrielle, paysanne, tribale, d’où une actualité brûlante de la réforme agraire, de l’Afrique du Sud au Brésil. Rey montre que la surexploitation est le fruit de ce que la force de travail paysanne se reproduit à l’extérieur du champ de la valeur. Ce travail non validé par la forme marchande est donc un apport « gratuit » pour le capital impérialiste. Il s’en suit que mettre fin au sous-développement implique la crise des centres economiques mondiaux. Sous ce regard, la politique de destruction et de recolonisation par l’impérialisme se comprend aisément.

[VIDEO] L’anthropologue et le paysan : entretien avec Pierre-Philippe Rey

On méconnaît trop souvent l’école française d’anthropologie marxiste, formée dans les années 1960 autour des figures de Maurice Godelier et de Claude Meillassoux. Pierre-Philippe Rey revient ici sur ce moment de production théorique décisif en évoquant l’apport du marxisme à une anthropologie inscrite dans la séquence des luttes anticolonialistes. C’est d’ailleurs la révolution algérienne qui l’a amené à étudier la paysannerie et son rôle décisif à l’intérieur des processus révolutionnaires. S’emparant des outils conceptuels du marxisme tout en déplaçant l’attention sur les paysans, Pierre-Philippe Rey tire le bilan des échecs du XXe siècle et ouvre la voie vers de nouveaux horizons, où l’anarcho-syndicalisme côtoie la révolution paysanne. Entretien réalisé par Félix Boggio Éwanjé-Épée, Ernest Moret et Gianfranco Rebucini.