La trajectoire théorique et politique de Mario Tronti

L’opéraïsme a acquis une renommée internationale pour son rôle fondateur dans l’émergence d’un marxisme autonome, acteur théorique majeur des conflictualités sociales en Italie à la fin du XXe siècle. Pour autant, le pionnier de cette approche, Mario Tronti, n’a pas suivi le chemin tumultueux des partisans autonomes de l’insurrection. Issu du parti communiste, la fin de l’expérience de Classe operaia a signifié pour lui un retour dans le giron du parti. Souvent décrite comme un reniement, la trajectoire intellectuelle de Tronti est ici restituée dans sa plénitude par Davide Gallo Lassere. Loin d’être une régression théorique, le tournant de l’autonomie du politique a été pour Tronti un prolongement de l’élaboration opéraïste sur le terrain des institutions. Convaincu du bien-fondé d’une pratique prolétaire du gouvernement, Tronti a proposé dans ces années crépusculaires une relecture stimulante des pensées conservatrices des institutions (de Weber à Schmitt). Sans prendre parti, Lassere propose de lire un Tronti encore inconnu en français, qui offre une contribution riche sur le devenir de la classe ouvrière et sur la question brûlante d’une realpolitik communiste.

Situation d’Ouvriers et Capital

Paru en 1966, Ouvriers et Capital a été un événement théorique sans précédent. Mario Tronti, son auteur, y a condensé l’expérience, la pratique et la théorisation du premier opéraïsme italien, de la systématisation de l’enquête militante aux pratiques de sabotage et d’indiscipline ouvrières. Ce texte majeur opérait un renversement absolu de l’orthodoxie marxiste en plaçant l’antagonisme ouvrier-capital au cœur de l’histoire de la modernité. Dans cette préface écrite à l’occasion de sa réédition pour son cinquantième anniversaire, Andréa Cavazzini et Fabrizio Carlino reviennent sur la conjoncture de ce texte, sur sa place dans l’historie du marxisme, pour mieux en circonscrire l’actualité : l’irréductibilité du « point de vue de classe » à toute téléologie historiciste et progressiste, seule susceptible de maintenir ouverte la perspective de l’émancipation.

Crise et enquête

Asad Haider revient ici sur deux traditions théoriques et militantes, l’opéraïsme et le conseillisme, qu’il propose de faire dialoguer autour des thèmes de la crise et de la composition de la classe ouvrière. Il milite en faveur d’un réinvestissement de la pratique opéraïste de l’enquête, seule susceptible de dégager les conditions d’une recomposition antagonique du prolétariat.