Misère de l’athéisme

Il y a une dizaine d’années quelques intellectuels à sensation ont remporté un succès commercial en publiant des ouvrages contre la religion. C’est le cas notamment de Richard Dawkins et son En finir avec Dieu. Dans cette réponse cinglante, Terry Eagleton fait la prouesse de rendre intelligible la foi religieuse et les fondamentaux de la théologie chrétienne aux athées les plus obtus. C’est notamment parce qu’en plus d’être un brillant critique littéraire marxiste, Eagleton a été l’animateur essentiel du courant de la gauche radicale catholique en Grande-Bretagne dans les années 1960, inspiré par Marx et Wittgenstein. C’est avec ce parcours qu’Eagleton conteste point par point les prétentions des nouveaux athées dans leur croisade antireligieuse. Il propose une défense singulière des croyants, qui rattache la religion à la politique émancipatrice et à un héritage éthique radical.

Capitalisme et forme

« Ce qui semblait stable et solide part en fumée, tout ce qui était sacré est profané » : selon Marx, l’avènement du capitalisme, son dynamisme économique, la circulation abstraite des marchandises, ont déstabilisé les hiérarchies morales, religieuses et esthétiques établies. Pour autant, il est notoire que le capital a historiquement coexisté avec les figures de l’autorité, de la discipline et du conservatisme. Ce paradoxe est, pour Terry Eagleton, constitutif de toute l’écriture romanesque. Le roman est le lieu où peuvent se combiner l’héroïsme et la banalité, l’explosion du désir et sa répression, l’exaltation du crime comme de la vertu. À travers Goethe, Balzac, Zola, Mann et bien d’autres, Eagleton offre dans ce texte, devenu classique, un condensé saisissant de ce que les romans ont à dire sur l’inconscient capitaliste.