Repenser l’oppression des femmes

L’oppression des femmes pourrait n’être ni le résultat du « patriarcat » ni dans l’intérêt fondamental du capitalisme. C’est le présupposé qu’avancent Brenner et Ramas, ainsi que la cible de leur puissante critique, Michèle Barrett. Pour cette dernière, l’oppression des femmes est le produit d’une idéologie bourgeoise, façonnant la subjectivité des classes populaires et favorisant la division salariale entre hommes et femmes. Pour Brenner et Ramas, cette explication ne tient pas la route. Mais il faut faire un détour pour expliquer l’oppression des femmes : comprendre comment la reproduction biologique et le travail industriel ont dégradé le rapport de force entre hommes et femmes au bénéfice des premiers. Le défi théorique de l’oppression des femmes nécessite une réponse dialectique, aux antipodes du fonctionnalisme. Une telle approche permet d’identifier l’État-providence et le combat pour la socialisation du soin aux personnes dépendantes comme le nœud du problème et, dès lors, du combat féministe.

Enseignement supérieur et classes sociales : production et reproduction

À l’heure des offensives néolibérales contre l’enseignement supérieur, Panagiotis Sotiris revient sur le rôle politique des universités dans la reproduction des rapports de classes. Si la légitimité de la classe dominante est constamment reproduite à travers « l’État intégral », l’université joue un rôle déterminant dans cette reproduction. Loin des approches strictement sociologiques et structuralistes de l’enseignement supérieur, Panagiotis Sotiris montre – à partir d’un dialogue avec Althusser, Poulantzas, l’opéraïsme italien et Gramsci – que l’université est en première et en dernière instance, un appareil d’hégémonie.

Idéologie juridique et idéologie bourgeoise (Idéologie et pratiques artistiques)

Derrière la « personne juridique », il y a la marchandise et l’État : c’est d’abord le sujet privé de l’échange marchand, celui qui « possède » et dispose du droit de vendre ou d’aliéner sa possession ; c’est ensuite les appareils de l’État, combinant coercition et idéologie, pour mettre en œuvre le droit, l’inculquer à ses sujets. Ce texte, paru pour la première fois en 1973 dans la revue La Pensée, illustre cette problématique au prisme du droit d’auteur. À travers une recension détaillée de l’ouvrage de Bernard Edelman Le Droit saisi par la photographie, Nicole-Edith Thévenin décrit la crise du sujet que traverse le capitalisme avancé et les limites intrinsèques du droit face à la socialisation de plus en plus poussée du procès de production artistique.

Un texte inédit de Louis Althusser – Conférence sur la dictature du prolétariat à Barcelone

« Le communisme est notre unique stratégie […], non seulement il commande aujourd’hui, mais il commence aujourd’hui. Mieux : il a déjà commencé. » Par ces mots, prononcés en 1976, Louis Althusser défendait la dictature du prolétariat. Le 22e congrès du PCF venait en effet d’en abandonner le concept. Amorçant une réflexion sur le long terme, Althusser revient, à l’occasion de cette conférence, jusque là inédite en français, sur le sens du syntagme « dictature du prolétariat ». Il en révèle les sous-entendus, les malentendus et en propose, discrètement, une nouvelle lecture, dans laquelle le dépérissement de l’État « commence quand des organisations issues des masses s’emparent de certaines fonctions du nouvel État : dès son installation, ou même avant. […] Où ? Quand ? Il suffit d’ouvrir les yeux. Que sont donc les organisations communistes de lutte de classe sinon déjà du communisme ? Et que sont donc ces initiatives populaires qu’on voit naître ici et là, en Espagne, en Italie ou ailleurs dans les usines, dans les quartiers, dans les écoles, dans les asiles, sinon déjà du communisme? »