[Guide de lecture] Marxisme et cinéma

Le cinéma a été un lieu d’investissement constant pour les marxistes, depuis sa naissance au début du XXe siècle. Le cinéma a ceci de singulier qu’il est un véritable système de production, à ses origines extrêmement coûteux ; il a revêtu très rapidement le statut d’industrie artistique et culturelle. Tout au long de son histoire, les marxistes ont considéré le cinéma comme un puissant véhicule idéologique, structurellement marqué par la classe dominante du fait de ses conditions de production. En même temps, depuis l’émergence du cinéma soviétique, le cinéma a aussi été un terrain d’expérimentation théorique et esthétique pour penser une autre manière de fabriquer et de faire parler les images. Dans ce guide de lecture monumental, Daniel Fairfax propose à la fois de recenser 9 périodes de pensée marxiste sur le cinéma, mais aussi de donner à voir, pour chacun de ces moments, une série de films qui en sont représentatifs. Par là, Fairfax rend palpable le rapport constant entre théoriques et pratiques marxistes du cinéma.

La politique de Straub-Huillet

Cinéastes, communistes révolutionnaires, Jean-Marie Straub et Danièle Huillet (décédée en 2006) combinent les paradoxes. Encensés par une critique exigeante, leurs films restent les moutons noirs d’un cinéma dit d’« auteur » et sont boudés par les circuits de distribution ; inscrit dans un héritage marxiste, leur travail a été plus volontiers discutée par Deleuze que par le « marxisme français ». Ces paradoxes sont le fruit d’un cinéma sans compromis, d’un militantisme explicite mais très loin des canons du « cinéma politique ». La politique de Straub-Huillet se joue dans une approche du cinéma, du travail sur les textes et les images, dans le refus de toute forme de « neutralité » artistique vis-à-vis du monde. Daniel Fairfax propose ici une introduction à leur œuvre, pour découvrir et redécouvrir un projet cinématographique combinant une poétique intransigeante avec une attention dialectique à l’espace et l’histoire.

Le militantisme cinéphilique, de la théorie à la pratique : entretien avec Jean-Louis Comolli

Le cinéma militant – ou l’usage militant du cinéma – procède souvent d’une méprise caractérisée : se servir d’un film comme prétexte pour initier une discussion ou pour défendre une idée politique. La forme passe alors au second plan. Dans cet entretien, Jean-Louis Comolli revient sur son expérience aux « Cahiers du cinéma » entre 1969 et 1973, à l’heure du tournant marxiste de la célèbre revue. Il raconte un travail théorique et critique, mené collectivement, pour défendre une approche militante du cinéma attentive aux formes – à la politique des formes. Revenant sur sa propre trajectoire, des « Cahiers du cinéma » à ses récents ouvrages en passant par sa pratique cinématographique, Comolli pose les jalons d’une cinéphilie politique, d’un amour du cinéma en tant qu’il est une machine à penser, une pratique impure, laissant libre cours à l’improvisation des spectateurs.

Le montage comme résonance : Chris Marker et l’image dialectique

Comment rendre intelligible dans l’espace cinématographique la temporalité heurtée et contradictoire de l’histoire des luttes de classe ? Par le montage, répond ici Daniel Fairfax, qui propose d’interpréter la structure du « Fond de l’air est rouge » de Marker à la lumière des concepts d’ « image dialectique » (Benjamin) et de « montage à distance » (Pelechian).