Révolte, révolution, organisation

Qu’est-ce qu’une révolte? Une certaine expérience du temps, répond Furio Jesi dans cet extrait de Spartakus. Symbolique de la révolte, publié aux Éditions la Tempête. Là où une révolution s’inscrit délibérément dans la continuité du temps historique dont elle cherche à exploiter les tendances ou à provoquer le dénouement, la révolte se caractérise quant à elle par la suspension du temps historique: dans le moment de son surgissement, le geste insurrectionnel vaut pour lui-même, indépendamment de ses causes souterraines comme de ses conséquences à long terme. La révolte entretient ainsi un rapport dialectique à l’organisation, dont elle excède le cadre, mais qui doit en retour savoir l’inscrire dans un horizon stratégique plus large. Hors de cet horizon, le risque est en effet permanent de voir la révolte se transformer, pour le pouvoir, en occasion de reconquérir la maîtrise des espaces et des temps qu’elle avait su un moment lui disputer.

Le juste temps de la révolution : Rosa Luxembourg et la question de la démocratie ouvrière

La révolution est-elle le produit des conditions objectives ou de l’intervention spontanée des masses ? Pour Rosa Luxemburg, explique ici Furio Jesi, la question est mal posée. La révolution est toujours objectivement prématurée. Mais elle n’en est pas pour autant réductible à un pur événement. Elle inaugure une nouvelle trajectoire historique, au cours de laquelle les espoirs du passé se retournent contre le monde qui les ont suscités et se radicalisent en une anticipation active de l’avenir. Dans leur action, les masses insurgées tracent ainsi les contours d’une relève de la démocratie et d’une nouvelle éthique révolutionnaire.

La connaissance de la fête

De nos jours, nous ne sommes plus capables d’éprouver la fête. C’est le constat que dressait Furio Jesi en 1972 dans « Connaissance de la fête ». De Thomas Mann à Proust, la modernité semble frappée par l’impossibilité d’une expérience collective véritable. In fine, la fête ne peut être réellement approchée que par le regard de l’anthropologue vers « les autres », les « primitifs », les « archaïques ». Prisonnière d’un regard extérieur, la fête est coincée entre les rites pacifiques et leur dimension utopique, et les rites agressifs ou guerriers, entre la fête des communards insurgés et la fête ostentatoire de la bourgeoisie. Cette impossible expérience festive signale ainsi les coordonnées idéologiques de la modernité : la prégnance d’images de sociétés archaïques, anciennes ou exotiques comme substitut à une authentique expérience festive. Pour Jesi, résoudre cette contradiction est une tâche politique, détruire la société bourgeoise, s’avancer au-delà des limites de sa culture.