[Guide de lecture] 1917-2017 : repolitiser la révolution

Les transformations de l’historiographie de la révolution russe reflètent celles du monde dans lequel l’évènement révolutionnaire est pensé. De 1917 à 2017 se dessine ainsi une trajectoire théorico-politique où les témoignages et l’analyse militantes laissent peu à peu la place à l’histoire sociale et à l’analyse culturelle. Revenant sur les grandes étapes de cette séquence, Sebastian Budgen souligne ici tout l’intérêt des recherches qui, au tournant des années 1980, ont mis les marges au centre de la révolution : la prise en compte du point de vue des femmes, des minorités sexuelles et des nationalités opprimées a permis de restituer au processus révolutionnaire toute sa richesse et sa complexité. C’est ce point de vue décentré sur la révolution qu’il nous faut aujourd’hui repolitiser.

[Guide de lecture] Pour une historiographie du capitalisme marchand

Dans les débats sur l’histoire du capitalisme, il est de plus en plus répandu de déconsidérer le rôle des riches marchands dans l’émergence d’une accumulation du capital à grande échelle. Souligner l’importance des échanges serait s’inscrire dans une sociologie éclectique de l’économie moderne. Pourtant, le concept de « capitalisme commercial » (ou « marchand ») appartient à une riche tradition au sein du marxisme. Largement développé par les historiens soviétiques avant que ne tombe la longue nuit stalinienne, le concept de capitalisme marchand permet de penser la pluralité des trajectoires économiques et le développement inégal, à l’échelle de plusieurs siècles. Banaji propose ici quelques repères de lecture annotés de la question ; elle s’avère d’une importance cruciale à l’heure où la petite production marchande, ou encore le travail domestique, sont intégrés aux circuits mondialisés de la production capitaliste. De la société des Indes orientales à Uber et Unilever, le prolétariat d’aujourd’hui a peut-être des airs de famille avec les multitudes bigarrées et rebelles de la Renaissance et l’âge classique.

[Guide de lecture] Féminisme et théorie de la reproduction sociale

On résume souvent l’apport du féminisme marxiste à l’impératif d’articuler l’oppression de genre à l’exploitation capitaliste : inégalités salariales, doubles journées, temps partiel imposé, etc. Une telle approche suggère que le marxisme propose essentiellement une focalisation prioritaire sur le salariat. Ce guide de lecture, élaboré par Morgane Merteuil, brise cette idée reçue, en introduisant ici aux théories de la reproduction sociale. Des hypothèses du féminisme autonome italien sur le travail domestique, jusqu’aux formes de spoliation et d’expropriation racistes et genrés à l’heure du néolibéralisme, en passant par l’analyse de la totalité formée par l’État et la division sexuelle du travail, une perspective se dégage, qui souligne le caractère diffus du capitalisme patriarcal, des lieux de sa production, et des foyers potentiels d’une résistance féministe.

[Guide de lecture] Pour un marxisme queer

Les études gays et lesbiennes et la théorie queer ont longtemps été produites à l’écart de la pensée marxiste. Pourtant, les premières théorisations gays et lesbiennes matérialistes ont été le fruit d’organisations ou de groupes se revendiquant du marxisme, des premiers mouvements pour les droits homosexuels de la social-démocratie allemande jusqu’aux fronts de libération des années 1970. Ces dernières années, un profond renouveau des études marxistes des sexualités a vu le jour. L’un de ses représentants, Peter Drucker, nous aide ici à y voir plus clair dans cette prolifération d’hybridations marxistes/queer, d’études critiques sur les mouvements révolutionnaires et la sexualité. Il met à jour les raisons de la dissociation entre militants contre l’hétérosexisme et mouvements communistes (à travers l’involution stalinienne) et les conditions d’une nouvelle convergence face à l’homonormativité et la cooptation des mouvements gays et lesbiens par le bloc au pouvoir.