De l’aristocratie ouvrière à l’Union sacrée : Du Bois sur les origines coloniales de 1914

L’impérialisme et la colonisation sont les racines de la Première guerre mondiale. Alors que l’on commémore les cent ans de la guerre de 1914, Alberto Toscano revient sur l’interprétation qu’en offrit, dans les années 1910, W.E.B. Du Bois, marxiste noir américain. Pour ce dernier, la Première guerre mondiale ramène sur le territoire européen un conflit que les grandes puissances impérialistes européennes se livraient sur le territoire de l’Afrique depuis plusieurs décennies. Revenant sur les notions centrales de W.E.B. Du Bois de « salaire de la blancheur » et de « ligne de couleur », Toscano montre ainsi la difficulté stratégique qu’a posé la guerre pour les Noirs américains, et en particulier pour Du Bois : puisque la ligne de couleur traverse autant les mouvements ouvriers des pays du centre que le monde capitaliste lui-même, la question du ralliement à l’effort de guerre supposait de répondre à la double exigence de lutter contre l’impérialisme américain et contre le racisme du mouvement ouvrier.

Théories marxistes du droit international : une introduction 

Dire que le droit international codifie l’oppression des pays dominés par les États du centre économique mondial est presque une banalité. Comprendre l’origine et la façon dont ce droit international s’est déployé est un projet d’une autre envergure. Robert Knox propose ici de mettre en lumière en quoi la théorie du droit international a longtemps été une lacune des élaborations marxistes sur l’impérialisme et indique comment surmonter ce point aveugle. Il éclaircit en outre les enjeux politiques sous-tendus par les débats autour du droit international, et notamment la question brûlante du rôle du droit dans la transformation sociale

Femmes noires et communisme : mettre fin à une omission

Ce texte, paru dans l’organe théorique du Parti communiste américain en 1949, est une contribution pionnière sur la triple oppression dont les femmes noires sont la cible en tant que femmes, en tant que noires et en tant que travailleuses. Claudia Jones, alors jeune cadre du parti, y montre comment cette oppression se cristallise non seulement sur le marché du travail, mais aussi dans les organisations du mouvement ouvrier et au sein du mouvement féministe. Dénonçant l’incapacité des progressistes à reconnaître l’expérience de luttes accumulée par les femmes noires au cours de leur histoire, elle appelle les révolutionnaires à faire de l’antiracisme une priorité stratégique et organisationnelle.

Pour déracialiser, il faut penser la race (et la classe)

Il faut définitivement se débarrasser des approches des classes sociales qui passent outre les considérations sur la race. Eilzabeth Esch et David Roediger présentent diverses analyses de Bourdieu, Wacquant, Adolph Reed ou encore Darder et Torres, qui font volontairement l’impasse sur la race. Les auteurs proposent à l’inverse de relire plusieurs épisodes récents en Australie, en Afrique du Sud ou au Venezuela pour apprécier l’importance théorique et militante d’un antiracisme qui prenne en compte la race.

Un pétrodollar. Du rêve

Les processus révolutionnaires qui ont cours dans le monde arabe depuis 2010 nécessitent d’être réinscrits dans l’économie politique de la région. Plus précisément, c’est le rôle clé joué par les monarchies pétrolières du Golfe, leurs liaisons avec l’impérialisme occidental, qui permet de mieux saisir certaines dynamiques politiques en cours. L’occasion pour Adam Hanieh de revenir sur les rapports de domination politiques et économiques qui structurent le Moyen-Orient.

Décoloniser la nature

La séparation entre nature et société n’est pas seulement une erreur théorique, c’est aussi l’instrument de la domination occidentale. Revisitant les débats de l’histoire environnementale du colonialisme, Paul Guillibert retrace les jalons d’une analyse marxiste de l’impérialisme écologique. Il examine ici deux vecteurs de la prédation occidentale : la domestication des écologies non européennes et la préservation environnementale dans les colonies.

Antideutsch : sionisme, (anti)fascisme et (anti)nationalisme dans la gauche radicale allemande

Dans ce texte, Selim Nadi revient sur une mouvance singulière de la gauche radicale allemande. Appelée « Antideutsch », opposée à la réunification allemande et par conséquent à toute existence d’une entité étatique allemande comme source d’un potentiel « quatrième Reich », elle s’oppose avec véhémence à toute forme d’anti-impérialisme et prône un soutien sans failles à la politique de l’État d’Israël. Une mouvance désormais minoritaire certes, mais dont l’idéologie ne semble pas sans influence. L’occasion pour Selim Nadi d’interroger certaines ambiguïtés de la gauche allemande et européenne quant à la question de la nécessaire lutte anti-impérialiste.