De la coupure épistémologique à la coupure politique : Rancière lecteur de Marx 1973-1983
Et si l’essentiel dans la trajectoire de Marx n’était pas la coupure épistémologique, comme le soutenait Althusser, mais la coupure politique ? Telle est la question que soulève ici Guillaume Sibertin-Blanc à travers une relecture de Rancière, depuis son « Mode d’emploi pour une réédition de Lire le Capital » (1973) jusqu’à Le Philosophe et ses pauvres (1973). Une coupure qui se joue non pas tant à l’intérieur du discours du savant Marx que dans les rapports qu’il entretient à son « objet » : la lutte des classes et le discours propre des ouvriers. Une coupure inaugurée par la défaite de 1848, mais qui ne cesse ensuite de se creuser, Marx s’évertuant à traquer les illusions fétichistes qui retarderaient sans cesse l’avènement de la révolution et l’achèvement du savoir qui lui correspond, les simulacres qui empêcheraient la conscience effective du prolétariat de se hisser à la hauteur de son concept scientifique. De ce point de vue, le recours répété de Marx au genre dramatique, faisant des acteurs de la lutte autant de personnages sur le théâtre de l’histoire, s’offre comme l’incarnation des apories propres au projet révolutionnaire.